Françoise Loux et Philippe Richard ont recueilli 4718 proverbes, contribuant ainsi à la connaissance anthropologique de la société rurale du début du XXème siècle. Ce ne sont que des proverbes dont l'usage régional avait été avéré par les folkloristes au cours d'une période s'étendant de la fin du XIXème siècle à nos jours, en France. Les proverbes sont par excellence le langage du corps : ils font entrevoir les racines de notre imaginaire, de nos attitudes à l'égard de la santé, de la maladie, de la souffrance, de la jouissance et de la mort. Ils nous livrent un discours cohérent sur l'ordre de l'homme au sein de l'univers ; ils nous recommandent la modération et dénoncent la nocivité des excès. Cet ordre de l'univers constitue donc la grande leçon que donnent les proverbes. Ils situent le corps dans un monde qui abonde en sens : sens des signes du corps, sens des incidents de la nature, des plantes et des animaux, sens enfin du déroulement de la vie avec ses forces et ses faiblesses jusqu'à ce que sonne l'heure de la mort.
[...] Les étapes de la maladie : les maladies viennent à cheval et s'en vont à pied dit-on. Elles arrivent ainsi très rapidement et de façon foudroyante, comme un terrassement : le mal vient par quintaux et repart par onces En plus, dans ce monde où le travail ne permettait pas qu'on s'alerte à la moindre défaillance, on entrait dans la maladie bien plus tard qu'à notre époque, quand les symptômes étaient devenus très violents, quand la fièvre et les douleurs foudroyaient le malade. [...]
[...] C'est donc inscrire les proverbes dans le concret d'une société rurale où la vie n'est possible que par le travail quotidien. Mais en même temps, ils dressent une première ébauche d'une relation malades-maladies : pour être malade, il faut se déclarer malade ou avoir le temps de l'être. Toute une morale de l'endurance est ainsi proclamée. un discours éthique médicalisé La santé établit le lien entre le corps et l'esprit, l'éthique et la médecine. Mener une vie harmonieuse est la clé de la santé, mais celle-ci est autant d'ordre préventif, médical que moraux. [...]
[...] Autre exemple avec le bain qui, même s'il est faiblement considéré comme une thérapeutique, a valeur de vaccin : celui qui le premier mai prend un bain, n'est pas malade de tout l'an Ces techniques magiques, irrationnelles correspondent à un ordre des choses. Le proverbe devient plus qu'un simple mode de transmission familiale. Il se différencie de la prière qui fait partie du rite et n'a pas cette concision et cette structure binaire et rimée. Il se différencie aussi du discours savant par ses métaphores et ses symboles. [...]
[...] Le rôle de la médicalisation est subordonné aux références éthiques : l'homme ne meurt pas il se tue l'alimentation Les proverbes permettent de dresser une typologie des aliments : ceux qui reconstituent le corps et ceux qui aident à digérer, c'est-à-dire à évacuer les humeurs malsaines. Ainsi le vin et la viande redonnent force : mieux vaut payer le boucher que le médecin il est mieux d'aller à l'hôtellerie qu'à la pharmacie Alimentation et médecine sont donc opposées. Le médecin et l'apothicaire renvoient plus qu'à la simple image de la maladie. Les proverbes insistent sur la médecine naturelle et son bien-fondé. L'artificiel est ainsi dévalorisé que ce soit pour la beauté, la nourriture ou les remèdes. [...]
[...] Anthropologie du corps et profession de santé (1995), le jeune enfant et son corps dans la médecine traditionnelle (1992), une si longue naissance, les premiers mois d'un enfant prématuré (1991). Philippe RICHARD : chercheur à la Maison des Sciences de l'Homme. INTRODUCTION : Le corps est aujourd'hui très actuel : les massages, les ateliers d'expressions corporelles, tous les ouvrages vulgarisés sur ses problèmes et ses bonheurs se multiplient. Autrefois dans un souci de décence, le corps était craint à cause de la violence de ses désirs et de ses troubles dans une société bourgeoise et catholique. [...]
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