Russell Banks est un romancier américain, né en 1940. Enseignant la littérature contemporaine à Princeton, il est également membre de l'Académie Américaine des Arts et des Lettres.
Auteurs de nombreux romans à succès, il a vu deux de ses ouvrages adaptés au cinéma : Affliction et De Beaux Lendemains, celui qui nous intéresse ici.
De Beaux Lendemains est publié aux Etats-Unis en 1993 sous le titre « The Sweet Hereafter ». Dans ce roman, son septième, il s'attache, comme dans la plupart de ses œuvres, à décrire la vie de gens simples, accablés par une vie quotidienne très dure et par la tragédie.
Sam Dent, bourgade paisible au nord de l'Etat de New York, non loin de la frontière canadienne, est le théâtre, en cette année 1990, d'un véritable drame : un bus scolaire finit tragiquement dans un fossé, avec à son bord une trentaine d'enfants. La plupart périssent, le village est en deuil.
Cette tragédie nous est narrée par quatre personnages différents : Dolorès Driscoll, conductrice du bus ; Billy Ansel, père inconsolable de deux enfants morts dans l'accident ; Mitch Stephens, avocat New-yorkais à la recherche d'éventuels responsables ; Nicole Burnell, jeune fille de quatorze ans, que l'accident laisse infirme et prive de fait de l'avenir radieux qui semblait l'attendre. Se mêlent donc le récit de la trame principale, l'accident de bus et ses conséquences, et les histoires personnelles de ces quatre narrateurs.
L'intérêt du roman est donc d'analyser un même événement à l'aune de différents points de vue, parfois concordants, parfois contradictoires. Ainsi, on entre véritablement dans la peau des personnages, on comprend leurs souffrances et leurs angoisses, souvent à la lumière de leur vie passée qui surgit dans le récit par le biais de flashback.
[...] Dolorès Driscoll reprend la narration. Lorsqu'elle découvre que tout le monde croit désormais qu'elle est responsable de l'accident, elle éprouve non pas de la colère mais un véritable soulagement. Les personnages principaux (les quatre narrateurs) Dolorès Driscoll Aimée et respectée à Sam Dent, elle est conductrice de bus scolaires depuis de très nombreuses années : c'est ce qui lui permet de gagner sa vie et de faire vivre son mari, Abbott, invalide depuis 1986 à la suite d'une attaque qui l'a laissé à moitié paralysé. [...]
[...] C'est une sorte de punition qu'elle inflige à son père : à la fin du procès, alors qu'elle imagine Mitch Stephens et son père en conversation, voilà ce qu'elle dit : C'est fini. En ce moment, Sam, la seule chose dont vous avez à vous préoccuper, c'est la raison pour laquelle elle a menti. Une gosse qui fait ça à son père n'est pas normale, Sam. Mais papa savait pourquoi j'avais menti. Il savait qui était normal et qui ne l'était pas. Mr. [...]
[...] On se rend compte plus tard, lorsque Mitch est le narrateur, qu'il ne cherchait absolument pas à se mettre Billy dans la poche, mais au contraire à le mettre en colère, pour qu'il le rejette, lui et les autres avocats. Il s'agit d'une manœuvre stratégique pour Mitch : si Billy s'engageait dans un procès, lui le seul témoin valable de l'accident, il perdrait la crédibilité du témoin objectif aux yeux des juges et son témoignage favorable à Dolorès Driscoll perdrait sa validité : - Foutez-moi la paix, Stephens. Foutez la paix aux gens de ce patelin. Vous ne pouvez aider aucun d'entre nous. Personne ne le pourrait. - Vous pouvez vous entraider. [...]
[...] Les chevaux aussi, maintenant qu'on a des tracteurs. Dans sa démarche d'avocat, il espère trouver des parents en colère pour reprendre l'expression qu'il utilise souvent, des parents qui transcrivent leur souffrance en colère. Cela peut paraître cynique, pourtant ce n'est pas le cas : Mitch Stephens n'est pas l'homme sans cœur que l'on pourrait croire. Pour comprendre cela, il faut se plonger dans son passé et sa vie personnelle. Celle-ci est marquée par les graves problèmes de sa fille : droguée, ne vivant plus chez ses parents, elle n'appelle son père que pour lui réclamer de l'argent, ce qu'il accepte souvent à contrecœur : C'est comme si ma situation personnelle m'imposait de lui acheter des seringues propres afin de la protéger du SIDA. [...]
[...] Stephens ignorerait toujours la vérité, mais papa la connaîtrait à jamais. Puis, elle rapporte la conversation qui a suivi avec son père : - Ceux qui ne connaissent pas la vérité diront que c'est la faute de Dolorès. Les gens ont besoin de s'en prendre à quelqu'un, Nicole. - Mais nous connaissons la vérité, ai-je dit. N'est-ce pas ? - Oui, a-t-il répondu, et pour la première fois depuis l'accident, il m'a regardée en face. Nous connaissons la vérité, Nicole. Toi et moi. [...]
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