L'illusion est donc un "ailleurs" juxtaposé sur "l'ici et maintenant". Le regard de l'illusionné perçoit le réel, mais l'esprit du spectateur construit une conséquence alternative qui vient recouvrir celle qui devrait se retrouver logiquement à sa place. "Telle est bien la structure fondamentale de l'illusion : un art de percevoir juste mais de tomber à côté dans la conséquence. L'illusionné fait ainsi de l'événement unique qu'il perçoit deux événements qui ne coïncident pas, de telle sorte que la chose qu'il perçoit est mise ailleurs et hors d'état de se confondre avec elle-même." (...)
[...] Fiche de lecture Clément Rosset, Le réel et son double, folio essais, 220, Gallimard Clément Rosset, en 1976, publie une thèse révisée dans l'édition de 1984. Dans Le réel et son double, l'auteur se propose d'expliquer de quelle manière se déroule l'illusion, dans ce que cette notion recouvre en général. Dès l'avant propos, l'essentiel est dit : Dans l'illusion, c'est-à-dire la forme la plus courante de mise à l'écart du réel, il n'y a pas à signaler de refus de perception à proprement parler. [...]
[...] En renonçant au reflet, éternelle répétition du jeu du miroir, Vermeer est parvenu à saisir le caractère unique de l'instant. Courir derrière son double, son ombre, son reflet, c'est non seulement perdre son temps, puisque le double n'est rien ; mais de surcroit, c'est dangereux car pour se fondre avec son double, il faudrait nier sa propre réalité et se résoudre à n'être non plus aussi peu que nous sommes, mais bien plutôt à n'être rien de plus qu'un fantasme évanescent que l'homme ne peut espérer rencontrer qu'en embrassant sa propre mort. [...]
[...] 38) Il y a donc croyance en une altérité qui se dérobe car effectivement, elle est intangible. L'événement qui se produit advient nécessairement car le réel qui se réalise au présent suppose que l'événement se produise au minimum d'une quelconque façon. Par conséquent, l'accomplissement du phénomène supprime la possibilité du double qui est réduit à néant lorsqu'il se heurte à l'actualisation du phénomène, à son présent réel. Dans Œdipe roi, le malheur d'Œdipe, c'est d'être seulement lui-même et non pas deux. [...]
[...] 116) L'institution, selon Clément Rosset, serait la condition de possibilité de reconnaissance d'une certaine individualité : le moi social. C‘est la théorie de l‘homme de papier que l‘auteur énonce ainsi : Ce qui garantit l‘identité est et a toujours été un acte public: un extrait de naissance, une carte d‘identité, les témoignages concordants de la concierge et des voisins. La personne humaine, conçue comme singularité, n‘est ainsi perceptible à elle-même qu[e] [ ] comme une entité institutionnelle que garantit l‘état civil et rien que l‘état civil. [...]
[...] Pour conclure à notre tour, nous dirons que cet ouvrage de Clément Rosset est intéressant à un double titre. Premièrement, il offre un travail de qualité quant à l'étude de la notion de double. Deuxièmement, la pensée de l‘auteur, énoncée clairement, est illustrée par de nombreux exemples issus de la philosophie mais aussi de la littérature, de la musique, de la peinture et encore de la psychanalyse, des contes et des mythes. De cette façon, la pensée de Clément Rosset semblera limpide à tout un chacun qui découvrira, dans ses propres expériences culturelles et personnelles, un écho à cette thèse séduisante. [...]
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