Né en octobre 1939 à Carteret, Clément Rosset après ses années à l'Ecole normale supérieure obtient l'agrégation de philosophie en 1963.
Ayant enseigné la philosophie jusqu'en 1998 entre autre à Montréal puis à Nice, il se consacre désormais uniquement à son oeuvre. La rédaction de Loin de moi correspond à ce tournant de son existence (...)
[...] Un fils d'imprimeur de quartier n'ouvre pas pendant plusieurs années une enveloppe sur laquelle est inscrit de la main de son défunt père à ne pas ouvrir. Lorsque, plusieurs années plus tard, l'homme cède finalement à la tentation, il trouve une centaine d'imprimés sur lesquels est indiqué à ne pas ouvrir. Le parallèle avec l'identité personnelle est indiquée par l'auteur : Du reste, lorsqu'on dit de quelqu'un qu'on le connaît bien on veut généralement dire par là qu'on a repéré le caractère répétitif de son comportement et qu'on est par conséquent à même de prévoir, presque à coup sûr, son comportement dans telle ou telle circonstance donnée. [...]
[...] 85) Au-delà même, des interrogations sur soi peuvent ralentir le quotidien et les mouvements. Aucune fonction biologique ne semble conditionnée à une quelconque identité personnelle. Seule l'identité sociale, sur ce point est nécessaire pour assurer la conservation et la reproduction de l'individu, mais aussi sa cohésion Un puzzle social vient ainsi tenir lieu d'identité, aussi bariolé qu'est inexistante l'imaginaire unité qui en serait le socle (p. 89) Cependant le recours à la notion d'identité personnelle permet de saisir celle d'« intention nécessaire pour fonder la morale, comme Kant l'a indiqué dans La critique de la raison pure. [...]
[...] Or la perte de l'assurance de posséder l'être aimé provoque une crise identitaire. A l'extrême et de façon comique, Harpagon s'exclame j'ignore qui je suis et ce que je fais dans le célèbre monologue de l'Avare, comédie de Molière ; sa cassette remplaçant de manière comique le trésor qu'est habituellement l'être aimé pour une personne saine d'esprit. La perte de l'objet aimé/possédé (ou perçu comme tel) entraîne en effet automatiquement le naufrage d'une identité qu'on considérait comme un bien personnel alors qu'il n'était qu'un bien d'emprunt, entièrement tributaire de l'amour de l'autre. [...]
[...] L'identité personnelle se construit en rapport avec celle d'autrui, par fusion agrégat de qualités qui appartiennent à une pluralité d‘individualités sociales perçues comme gratifiantes par l‘individualité en construction. Il ne saurait donc être de moi que de l'autre et par l'autre, dont l'étayage assure l'éclosion et la survie du moi. (p. 48) En premier lieu, autrui, que ce soit un parent ou une personne que l'on juge digne de notre admiration, nous permet de nous structurer. Le je tire toute sa substance du tu qui la lui alloue. [...]
[...] Si je cherche à me saisir moi-même, je manque de recul et de la capacité de duplication traduite par une impossible ubiquité ; lorsque c'est autrui qui cherche à me saisir, il ne perçoit qu'un amas de faits et gestes, le moi social. Mon moi personnel lui demeurant à jamais inconnu : le domaine de mes pensées reste clos en moi sans accès pour autrui. Qui croit bien se connaître s'ignore plus que jamais, n'ayant aucun sentiment consistant de lui-même à se mettre sous la dent (nous retrouvons ici l'argument de Hume) ; qui réussit à voir enfin autrui en face ne voit rien. (p. 34) Clément Rosset illustre cette idée par l'exemple de l'imprimeur. [...]
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