Le roman du quotidien lecteurs et lectures populaires à la Belle Époque, Anne-Marie Thiesse, littérature de poche, littérature populaire, illettrisme, alphabétisation au XIXe siècle, classes populaires, Alexandre Dumas, Georges Ohnet, L'Humanité, La Croix, fiche de lecture
Publié en 1984 aux éditions du Seuil, cet ouvrage d'Anne-Marie Thiesse aborde un domaine précis de l'histoire sociale et culturelle : celui de la lecture populaire à la Belle époque. Cette période, que l'on fait généralement commencer au début des années 1880 et qui s'étend jusqu'à la Première Guerre mondiale, voit en effet la multiplication des romans-feuilletons et de la littérature "de poche". L'auteure aborde cette question des supports de lecture et du type de littérature concerné, à savoir les romans populaires, dans la deuxième partie de son ouvrage. Mais celui-ci, qui se construit comme un triptyque, ne se contente pas d'aborder les questions du contenu des lectures, mais s'intéresse également à l'acte de lecture et aux lecteurs eux-mêmes.
[...] Il n'est pas le même lorsqu'il s'adresse plutôt à des hommes ou à des femmes et il renvoie bien souvent à des titres déjà connus. Thiesse réalise ici un imposant travail d'analyse textuelle et statistique à partir des titres de 543 romans qui sont décomposés en syntagmes afin de comprendre la construction de chacun. Celle-ci varie en fonction de la nature du quotidien qui la publie. Les journaux populaires vont ainsi avoir plus souvent tendance à vouloir rendre leurs titres percutants en utilisant un simple adjectif ou encore une interjection. [...]
[...] Ceux-ci proviennent essentiellement des classes populaires ou de la petite bourgeoisie. Beaucoup ont toutefois suivi des études, aussi bien en droit qu'en lettres et exercent une activité en complément de l'écriture qui leur permet d'éviter de devoir être qualifiés de « romanciers populaires ». B. Chapitre 2 - Les stratégies de légitimation Face au peu de considération dont souffrent les romanciers populaires, ceux- ci s'organisent en Sociétés littéraires qui défendent leurs droits, mais leur permet aussi de s'approprier l'image d'hommes de lettres. [...]
[...] Mais une seconde fracture apparait entre les journaux politiques « bourgeois », qui traitent le feuilleton avec condescendance, le faisant régulièrement sauter, et ceux qui s'adressent à un lectorat populaire comme L'Humanité et qui adoptent une position ambivalente, conservant le feuilleton pour conserver leur public. Thiesse recourt ici à un certain nombre de statistiques afin de déterminer quelle place occupe l'encart réservé au feuilleton dans chacun des grands quotidiens : il apparait que celle-ci peut varier du simple au triple. Facteur économique déterminant pour de nombreux quotidiens du fait des lecteurs qu'il permet de drainer, le feuilleton fait l'objet d'une campagne publicitaire intense. [...]
[...] S'appuyant sur de nombreux témoignages oraux, Thiesse parvient donc à montrer la domination du feuilleton et des collections populaires dans la littérature des populations les plus modestes. Mais plus encore, elle démontre que si la lecture n'est pas complètement bannie des usages, elle est en revanche mal perçue et peu intégrée aux pratiques du quotidien. Certains lecteurs ne se définiront ainsi jamais comme tels, alors même qu'ils concèdent avoir lu un certain nombre d'ouvrages. Chaque idée étant étayée par plusieurs témoignages de personnes issues de régions géographiques différentes, l'auteure fait montre d'un réel souci de scientificité dans son propos. [...]
[...] Les partis de gauche craignent quant à eux une mainmise de la bourgeoisie sur ces classes populaires à travers la littérature. Pourtant, si celles-ci n'ont pas les outils nécessaires pour prendre leurs distances vis-à-vis du texte, elles ne se laissent pas nécessairement influencer par lui, l'inattention étant de ce point de vue un rempart efficace. Thiesse rappelle ainsi que les catégories les plus modestes pratiquent la lecture comme un divertissement sans être nécessairement très attentives aux propos de l'auteur. Cela limite de facto cette prétendue subversion véhiculée par la littérature populaire. [...]
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