Sur la carte à jouer n°1, Rousseau a noté : « Pour bien remplir le titre de ce recueil, je l'aurais dû commencer il y a soixante ans : car ma vie entière n'a été qu'une longue rêverie divisée en chapitres par mes promenades de chaque jour ». Les promenades ont occupé tous les jours de sa vie, qu'il s'agisse des escapades et des voyages de sa jeunesse, pleins de rêves romanesques (Confessions, livres III-IV), des promenades faites aux Charmettes (livre VI) ou encore des errances extatiques dans le monde chimérique qu'il suscitait, alors qu'il vagabondait dans les bois de l'Ermitage et la forêt de Montmorency (Lettres à M. de Malesherbes). Ces rêveries sont l'occasion pour Rousseau d'avoir de nouveau présent à l'esprit des moments, des expériences passées, des images que garde et fournit la mémoire. Or, un critique contemporain affirme que « Les bons souvenirs reconstruisent le moi divisé, éclaté même, par la palpitation de bonheur qu'ils reproduisent.
[...] Il s'imagine qu'on le juge ou même qu'on voit en lui un monstre ces regards insultants et moqueurs il cherche dans la nature un refuge puisque [ses] contemporains n'étaient pas en rapport à [lui] que des êtres mécaniques qui n'agissaient que par impulsion et dont ne pouvai[t] calculer l'action que par les lois du mouvement »(Huitième Rêverie).Rousseau était atteint d'une sorte de paranoïa, qui transparaît dans les Rêveries et qui nous montre un homme qui connaît un déséquilibre de la personnalité. Il devient alors méfiant et a tendance à interpréter de façon abusive le comportement de ceux qui l'entourent. Presque toutes les Rêveries font alors allusion au complot qui plonge Rousseau dans la terreur et l'illusion d'une persécution. Rousseau est un être agité, le moindre fait qu'il ne comprend pas le plonge dans l'inquiétude et le mystère. [...]
[...] La ligue est universelle, sans exception, sans retour »(Huitième Promenade). Il en vient à être atteint d'agoraphobie ou peur des espaces libres et des lieux publics ainsi la moitié de la journée se passe en angoisses avant qu' [il ait] atteint l'asile qu' [il va]chercher(Huitième Promenade). Ainsi s'explique son amour des îles et de l'eau qui l'isole des hommes. Pour des raisons à la fois objectives et subjectives, les Rêveries ne sont pas une reconstruction fidèle des souvenirs de Rousseau. [...]
[...] Ces deux pôles, sensibilité-raison, définissent la complexité de Rousseau et expliquent le caractère moralisateur de sa philosophie. Précocement émancipé, livré tout jeune à lui-même, indépendant de caractère, autodidacte, il deviendra un inadapté social, constamment balloté entre ses goûts et le monde, malgré le succès qu'il y trouvera longtemps. Les bons souvenirs lui permettent de se retrouver seul, seul lors de ses promenades, seul lors de l'écriture de sa rêverie, il y trouve une forme de jouissance dans l'autosuffisance de ces activités et l'avoue p.60 je ne trouve qu'en moi la consolation, l'espérance et la paix quand je laisse ma tête entièrement libre, et mes idées suivre leur pente sans résistance et sans gêne »p.64. [...]
[...] Il aspire donc à s'éloigner le plus possible de la fiction et, de fait, les procédés artistiques employés sont en général moins fictionnels dans cet ouvrage que dans les Confessions, puisqu'il n'a pas à recréer la vie, mais seulement à rapporter la pensée. La distance entre le souvenir et sa transcription est moins grande que dans le cas des Confessions, mais elle n'en existe pas moins et suffit pour qu'il y ait, de la part de l'auteur, remodelage. Rousseau s'interroge lui-même sur le problème du mensonge. [...]
[...] Il veut montrer que si par hypothèse ou par miracle, nous pouvions oublier un instant nos passions, nos soucis, nos activités, nous finirions par apprécier le fait même de vivre. Nous jouirions, alors, du sentiment de l'existence à l'état pur. L'imagination est alors capitale dans son entreprise, lors de ses rêveries puis lors de l'écriture de celle-ci, Rousseau prend conscience de son existence qui est pour lui source de jouissance. Mais les rêveries de Rousseau sont aussi l'occasion de tourments, d'angoisses. [...]
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