En 1993, la guerre de Bosnie-Herzégovine fait rage en Europe centrale, dans l'indifférence des pays voisins d'Europe occidentale. Cette indifférence sera pourtant mise en question par Sarah Kane dans sa première pièce Blasted (Anéantis), dont l'écriture a pris un tournant inattendu quand l'auteure s'est vue confrontée à cette guerre par des images télévisées frappantes : une vieille femme de Srebrenica (alors en état de siège) en pleurs et qui demandait de l'aide en regardant la caméra.
Cette pièce était à l'origine la confrontation entre Ian, un journaliste homophobe plutôt âgé, et Cate une jeune femme fragile, sur laquelle il allait prendre l'ascendant dans une chambre d'hôtel à Leeds, pour finalement la violer. Ce n'est donc que plus tard qu'apparaît le personnage du soldat. Ce dernier entre en scène peu après la fuite de Cate, accompagné de l'explosion de la chambre d'hôtel. A son tour, il viole Ian, puis lui mange les yeux, avant de se suicider. Cate revient alors avec un enfant dans les bras, qui meurt peu de temps après. Elle l'enterre et repart chercher à manger. Ian déterre alors le bébé et le mange, puis se glisse dans le trou où il était enterré et y meurt à son tour. Enfin Cate revient et nourrit Ian qui la remercie.
En janvier 1995, la guerre n'a toujours pas pris fin, et Sarah Kane, malgré son jeune âge, devient la dramaturge britannique la plus controversée des années 90 : la création de Blasted au Royal Court Theatre provoque un scandale de la même ampleur que celui que provoqua Saved d'Eward Bond, presque 30 ans plus tôt. Ainsi allons-nous étudier la représentation de la guerre dans cette pièce, afin d'en comprendre l'originalité ainsi que l'intérêt, très tôt affirmés par d'autres critiques et auteurs, tels que Bond et Pinter.
[...] Soit le lieu seul change, et alors, les personnages et le public se retrouvent directement confrontés à la réalité de la guerre en Bosnie brisant la distance imposée par la géographie et l'indifférence Cette deuxième interprétation serait éclairée par l'affirmation de Ian et l'incrédulité du soldat dans la scène 4 : IAN : Je suis correspondant local, pour Yorkshire. Je ne couvre pas les affaires étrangères. LE SOLDAT : Les affaires étrangères, qu'est-ce que tu fais là alors ? Les unités de lieux et de temps sont en plus rendues incertaines par la didascalie initiale et le cycle des pluies. Enfin, le dernier élément formel qui semble créer une distance avec une compréhension plus aisée est le climat d'étrangeté de la dernière scène. [...]
[...] La représentation de la guerre dans Anéantis (Blasted) de Sarah Kane En 1993, la guerre de Bosnie-Herzégovine fait rage en Europe centrale, dans l'indifférence des pays voisins d'Europe occidentale. Cette indifférence sera pourtant mise en question par Sarah Kane dans sa première pièce Blasted (Anéantis), dont l'écriture a pris un tournant inattendu quand l'auteure s'est vue confrontée à cette guerre par des images télévisées frappantes : une vieille femme de Srebrenica (alors en état de siège) en pleurs et qui demandait de l'aide en regardant la caméra. [...]
[...] Le fait que Ian possède un revolver, et l'obsession autour de cette arme qu'il ne cesse de prendre, de décharger et de recharger et d'évoquer renvoient explicitement au fait de tuer, et métaphoriquement à la guerre. Le soldat aussi s'avérera être armé : il porte un fusil à lunette une arme dont l'usage est spécialisé pour la guerre contrairement au revolver que l'on peut aussi trouver en temps de paix et avec lesquels il tient en joug Ian, désarmé, lui imposant sa volonté. Cette tension, et ces armes sont des outils de représentation de la guerre (par l'évocation) en temps de paix : ils la signifient plus qu'ils ne la montrent. [...]
[...] et Cate revient, parle avec lui et lui donne à manger, suite à quoi il la remercie et la pièce s'achève (p87-88). Il est impossible de savoir si cette scène se passe dans un lieu métaphysique ou dans le même, et si les personnages sont morts ou non. C'est donc dans cette confusion que se clôt la pièce, donnant un effet de dévastation totale, y compris pour notre réflexion abasourdie, qui n'est plus apte à distinguer bien les choses. Peut-être est-ce là, l'effet de la guerre, rapportée par sa représentation. [...]
[...] Sarah Kane offre donc une vision très abrupte de la réalité de la guerre et de ses effets sur les hommes. Par exemple, la scène 4 s'ouvre sur le cadavre du soldat qui s'est brûlé la cervelle et se ferme sur la mort du bébé que Cate avait recueilli, et le rire hystérique et inquiétant de celle-ci, face à quelque chose d'absurde et d'incontrôlable (rire annoncé lors de ses évanouissements dans les premières scènes). Ian, qui était cynique à propos de son fils dans la première scène, supplie alors Cate de lui dire quelque chose que lui-même ne parvient pas à trouver et il tente de se suicider à son tour avec le revolver qui a servi au soldat. [...]
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