Recueil poétique de Joachim du Bellay (1522-1560), publié sous le titre les Regrets et Autres Œuvres poétiques à Paris en 1558.
Avant d'être rassemblés, nombre des sonnets qui composent le recueil circulaient soit en manuscrits, soit imprimés sans l'autorisation de l'auteur. En 1553, le poète avait accompagné à Rome son illustre parent, le cardinal Jean du Bellay, qui lui avait confié l'intendance de sa maison. Même si l'enthousiasme des premiers temps céda la place au désenchantement, le séjour romain fut loin d'être stérile : après avoir quitté Rome, en août 1557, Du Bellay publia coup sur coup, l'année suivante, les Regrets, les Divers Jeux rustiques, les Antiquités de Rome, et un recueil de Poëmata latins ; en outre, le poète revenait en France pourvu de substantiels bénéfices ecclésiastiques, et l'avenir se présentait pour lui sous de bons auspices. Il ne faut donc pas faire une lecture trop littérale des sonnets relatifs à la désolation du séjour romain et à l'obligation navrante de « courtiser ».
Les Regrets se nourrissent évidemment de références littéraires : dès le sonnet liminaire (“À son livre”), Du Bellay se place sous l'invocation d'Ovide, dont il traduit plusieurs vers mot pour mot ; mais tandis que les Tristes gémissaient sur l'éloignement de Rome, les Regrets renversent la perspective et font de la Ville éternelle « le bord incogneu d'un estrange rivage ». Au souvenir d'Ovide s'ajoute l'influence décisive de la satire horatienne (de l'auteur latin Horace) : paraphrasant dans le deuxième sonnet l'auteur des Satires, Du Bellay se réclame d'une simplicité qu'il qualifie de « prose en ryme » ou de « ryme en prose » ; il est ainsi conduit à adopter l'alexandrin, vers prosaïque aux yeux des poètes du temps.
[...] Critique Le titre Le titre complet de ce recueil apparemment hétérogène pose d'emblée un problème : Du Bellay n'ayant pas pris soin de diviser sa matière, où s'achèvent les regrets proprement dits et où commencent les autres œuvres poétiques ? Il semble légitime de n'attribuer le titre de Regrets qu'aux 127 premiers sonnets. Mais cette division du texte en ensembles thématiques mutile la matière autant qu'elle la clarifie : elle privilégie la succession des événements (l'exil romain, le voyage de retour, la cour de France) au détriment d'une poétique d'échos, de correspondances et de reprises. [...]
[...] Les Regrets Du Bellay (1558) Recueil poétique de Joachim du Bellay (1522-1560), publié sous le titre les Regrets et Autres Œuvres poétiques à Paris en 1558. Avant d'être rassemblés, nombre des sonnets qui composent le recueil circulaient soit en manuscrits, soit imprimés sans l'autorisation de l'auteur. En 1553, le poète avait accompagné à Rome son illustre parent, le cardinal Jean du Bellay, qui lui avait confié l'intendance de sa maison. Même si l'enthousiasme des premiers temps céda la place au désenchantement, le séjour romain fut loin d'être stérile : après avoir quitté Rome, en août 1557, Du Bellay publia coup sur coup, l'année suivante, les Regrets, les Divers Jeux rustiques, les Antiquités de Rome, et un recueil de Poëmata latins ; en outre, le poète revenait en France pourvu de substantiels bénéfices ecclésiastiques, et l'avenir se présentait pour lui sous de bons auspices. [...]
[...] Inspiration et originalité Sans doute Du Bellay s'est-il inspiré des Soupirs pétrarquistes d'Olivier de Magny, publiés l'année précédente ; il a dans ses Regrets remplacé la mélancolie amoureuse par la nostalgie du pays natal. L'originalité du recueil tient ainsi à la transposition de certaines formules pétrarquistes dans le contexte tout différent de l'exil ovidien.1 Tout ensemble mère et maîtresse, la France idéalisée s'oppose à une Italie qui généralise et légitime la pratique de la dissimulation. La contagion s'étend au poète lui-même, qui souffre d'une telle aliénation : Je n'ayme la feintise, et me fault deguiser (39). [...]
[...] Aucun écrivain français du XVIe siècle, à l'exception de Montaigne, ne s'est interrogé comme Du Bellay sur le jeu des apparences dans la comédie sociale et sur le rapport de soi à soi. Inéluctablement associé aux stratégies de l'argent et du pouvoir, le masque brouille les identités, dissolvant honneur, talent et compétence dans un glissement de simulacres : quiconque sait manier le fard magicien peut se faire admirer de tous. Une évidence s'impose au poète : dissimulation, contrefaçon et déguisement, loin de se réduire à de perverses excroissances, forment le tissu conjonctif des activités romaines, hors duquel l'édifice social s'effondrerait. [...]
[...] La poétique des Regrets s'offre donc modestement comme restitution de la voix du poète ; n'en mime-t-elle pas l'imprévisibilité, l'allégeance aux circonstances extérieures ou aux contingences organiques : Comme il vient à la bouche, / En un stile aussi lent que lente est ma froideur ? Une prose en ryme La prose en ryme peut bien être, dès lors, l'objet d'une malicieuse autodépréciation, elle n'en constitue pas moins un instrument d'une exceptionnelle malléabilité. Au premier chef, elle permet l'alternance des registres. À proprement parler, la dualité essentielle des Regrets est moins celle des pleurs et du rire que celles de l'intériorité et de l'extériorité, des mouvements de la conscience et du spectacle du monde. [...]
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