Normalien, philosophe, guevariste convaincu au point de suivre les guérilleros en Bolivie au milieu des années 60, puis conseiller du Prédisent Mitterrand, Régis Debray est la figure de proue de la médiologie en France. Cet intellectuel s'applique ainsi à étudier les supports de la médiologie, qui n'est autre que transmission de message, de la communication, qui, selon lui, ont transformé les moeurs, les rapports au pouvoir et au savoir. Il propose dans « L'obscénité démocratique », une analyse critique de la République, et de sa vie politique, en proie à une déthéâtralisation. L'expression est soigneusement choisie ici, puisque Régis Debray a voulu mettre en perspective le théâtre et la politique, tant du point de vue de la mise en scène, que du jeu des acteurs, ou que de son rôle dans la société et dans l'Etat.
Au grand regret de l'auteur, le théâtre serait quelque peu délaissé, au profit de la réalité. Elle est mise en scène pour paraître vraie, authentique. Debray évoque même la « mise en scène de l'absence de mise en scène », problématique ô combien dramaturgique. On pense la politique, la vie politique, comme on organise une pièce de théâtre. L'idée du show, du brillant, des paillettes, de l'image à tout prix aurait fait basculer depuis plus d'un demi siècle la France dans l'obscénité démocratique. Le poids des mots et le choc des photos de Paris Match serait donc support de la médiation politique ? (...)
[...] Pour Régis Debray, se priver de la distance nécessaire, c'est se priver de la possibilité du recul critique. Tout signaler, tout représenter, c'est ne laisser aucune place aux symboles, à ce qui force à réfléchir, à laisser aller la pensée au-delà du quotidien, de ce qui est immédiat, visible. C'est cette perte de sens qu'il condamne : en refusant l'abstrait, on refuse ce qui est fédérateur, les valeurs et les idéaux tels que la Nation ou la République, qui ont besoin de symboles pour exister. [...]
[...] L'idée du show, du brillant, des paillettes, de l'image à tout prix aurait fait basculer depuis plus d'un demi siècle la France dans l'obscénité démocratique. Le poids des mots et le choc des photos de Paris Match serait donc support de la médiation politique ? C'est ce rapport si intensif et presque viscéral à l'image que Régis Debray essaye ici de décortiquer, comme il l'a par ailleurs fait avec sa thèse de doctorat intitulée Vie et mort de l'image. Une histoire du regard en Occident Dans le cadre de la médiologie, il observe que le réel et l'essentiel sont réduits au visuel, à l'émotion, à ce qui relève de l'intimité de chacun, de l'acteur comme du spectateur. [...]
[...] En fait, on lit L'obscénité démocratique comme on fait de la médiologie : par des inférences, des inférences multiples, des niveaux de lecture, du magazine people aux manuels d'histoire, du quotidien aux grands classiques de la littérature. Alors que le raisonnement progresse, que l'observation des faits laisse place à la provocation et à la proposition, Régis Debray veut forcer la critique, et le regard critique, dans un souci presque alarmiste, de recréer une unité politique et surtout républicaine en France. Il veut convaincre le lecteur de la nécessité de recréer le lien qui manque, la médiation essentielle à une société, à un Etat, à la République et à la démocratie. [...]
[...] Pour Debray, elle est presque tombée de son piedestal, puisqu'elle ne parvient plus à unir et réunir les citoyens autour d'elle, en un ensemble fort et vivant, comme il le déplore à la fin de son texte. On peut y voir une vulgarisation, un culte de la médiocrité, et même une remise au goût du jour, dans un souci de (hyper) modernité, de l'antique «Panem et circenses» ? C'est certainement ce que constate Régis Debray dès les premiers chapitres, où la société de spectacle est passée au crible. Séduit par les media, le politique se perd dans l'anecdote, le cas particulier, le fait divers, et devient un acteur à part entière. [...]
[...] L'Etat, déjà séducteur chez Debray en 1993, doit mettre en œuvre une politique de séduction sur ses citoyens. Ils veulent se retrouver dans le miroir qu'est devenu l'Etat démocratique, ils le veulent proche, ressemblant. Il faut dès lors imaginer et fabriquer un quotidien à leur image, loin des conventions, protocoles et autres étiquettes, qu'on voit parfois voler en éclat, comme lors de la cérémonie officielle d'entrée du Président Sarkozy à l'Elysée. On assiste à une véritable démystification, une désymbolisation selon l'auteur, et alors que les conventions s'émiettent, ce sont les effets spéciaux qui deviennent incontournables. [...]
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