Les grands lieux tragiques chez Racine sont violents (sécheresse, soleil violent…), ce sont « des terres arides, resserrées entre la mer et le désert, l'ombre et le soleil portés à l'état absolu ». Cependant, il y a trois lieux tragiques principaux : la chambre, l'antichambre et l'extérieur. La chambre est « à la fois logement du pouvoir et son essence ». Elle n'est pas représentée sur scène, car les personnages osent à peine y entrer tant le lieu est à la fois respecté et redouté.
L'antichambre est le deuxième lieu, « milieu de transmission », il est entre deux univers : celui de l'action, du monde, et celui de la chambre, lieu de silence. « L'antichambre est l'espace du langage ». La porte fait elle le lien entre la chambre et l'antichambre, c'est l'objet tragique par excellence : « On y veille, on y tremble ; la franchir est une tentation et une transgression. »
Le troisième lieu de l'action est l'extérieur. Il est en lien immédiat avec l'antichambre et contient lui-même trois espaces :
– la mort qui « n'appartient jamais à l'espace tragique » et ce, non par bienséance comme on le dit, mais parce que c'est contraire avec les principes de la tragédie : Barthes dit que la mort physique est « l'épaisseur d'une réalité scandaleuse », parce que c'est un geste physique alors que dans la tragédie, ce qui prévaut, ce sont les mots, la parole : « dans la tragédie on ne meurt jamais parce qu'on parle toujours ». Par extension, sortir de scène est aussi d'une certaine manière mourir ;
– La fuite recommandée par les confidents et les comparses des héros (souvent sur des vaisseaux, comme dans Andromaque III, 1 « Nos vaisseaux sont tout prêts et le vent nous appelle ») pour éviter la mort ;
– l'évènement qui permet de « tenir l'acte dans une sorte de quarantaine où ne peut pénétrer qu'une population neutre chargée de trier les évènements d'extraire de chacun d'eux l'essence tragique ».
Le héros tragique n'est donc jamais directement en contact avec le réel. Il est « l'enfermé, celui qui ne peut sortir sans mourir ».
[...] Les deux Éros Il y a deux Éros raciniens : l'Éros sororal l'amante est une sœur dont la convoitise est autorisée considéré comme une sorte d'utopie, parce qu'inscrit profondément dans le temps. Ils s'aiment (ou l'un aime l'autre) et se connaissent depuis longtemps. Ex : Antiochus et Bérénice dans Bérénice. L'Éros événement qui est un amour immédiat : il naît brusquement (ex : Phèdre et Hippolyte dans Phèdre) : les héros sont liés (ou l'un des deux est lié à l'autre) par un saisissement d'ordre visuel : aimer c'est voir Les deux Éros sont incompatibles : l'un ne peut pas devenir l'autre. [...]
[...] La lutte Père-fils s'apparente à relation Dieu-créature (c'est reparti Le revirement figure fondamentale de tout le théâtre racinien») Le revirement est toujours négatif et vient d'une puissance extérieure qui mène l'action de haut en bas, la précipite vers sa chute. L'effroi chez le héros racinien vient donc du fait que le Destin conduit tout vers son contraire, vers ce que le héros ne voudrait surtout pas, le monde est régi par une malice, qui sait aller chercher dans le bonheur son cœur négatif». (ANTITHÈSE) Le Destin est, selon Barthes, un en deçà de Dieu, une façon de ne pas nommer sa méchanceté». La Faute La tragédie est essentiellement procès de Dieu». [...]
[...] mort envoyée : assassinat, seule mort réelle de la tragédie» selon Barthes parce qu'elle n'est pas abstraite, pas annoncée par des paroles, mais par des objets (il donne l'exemple du poison de Néron), c'est une mort qui ne concerne que l'autre L'art de l'agression verbale» est possédé par A et le mot a une importance primordiale et provoque de réelles blessures qui peuvent généralement arriver de deux manières différentes : si le mot dévoile une situation intolérable si le discours est détourné, qu'il s'agit d'un discours implicite et (donc) cruel Quoi qu'il en soit, il s'agit toujours d'introduire dans l'autre le désordre». On Ces combats entre A et B ont lieu dans un univers désolé, dépeuplé». Le monde extérieur est une entité les Grecs, les Romains ( ) le peuple ( . ) qui a une fonction de jugement : le monde, pour le héros racinien, c'est une opinion publique». [...]
[...] Logos et praxis Ce que la tragédie racinienne met au jour, c'est une véritable universalité du langage.» : il peut servir d'organe visuel il exprime des sentiments presque en les incarnant : aimer, souffrir, mourir, ce n'est jamais ici que parler» il peut protéger La parole est action et la réalité fondamentale de la tragédie, c'est ( ) la parole-action.». II- Les œuvres Andromaque Les questions posées sont comment passer d'un ordre ancien à un ordre nouveau ? Comment la mort peut-elle accoucher de la vie ? [...]
[...] Ces trois ruptures ont une gravité croissante ; de l'une à l'autre, Phèdre approche d'un état toujours plus pur de la parole». 1re confession à Œnone : confession qui est plus de Phèdre pour elle-même, comme si s'exprimant devant Œnone, elle cherch[ait] son identité» 2e confession à Hippolyte : aveu dramatique puisqu'elle avoue son amour à celui qu'elle aime 3e confession à Thésée : confession ultime puisqu'elle avoue non seulement son amour presque incestueux, mais aussi son crime Phèdre est son silence même : dénouer ce silence, c'est mourir». [...]
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