Le but premier de Jacques le Fataliste n'est pas de faire la satire du dix-huitième siècle, il s'agit d'abord de poser le problème du libre arbitre et du déterminisme.
Jacques le Fataliste présente une vue générale de la société du dix-huitième siècle. En effet, la quasi-totalité des classes sociales et des corps de métiers sont représentés : le peuple avec les paysans, les petits artisans, tel le parrain de Jacques qui est charron, les petits commerçants, tels les aubergistes, le pâtissier, les brocanteurs, les bourgeois, avec Desglands, la noblesse avec Mme de la Pommeraye, le clergé régulier avec le confesseur de Melle d'Aisnon, le clergé séculier avec le père Hudson, l'armée, avec le capitane de Jacques, les professions libérales, avec les chirurgiens, les usuriers mais aussi le monde de la justice. Même les écrivains ne sont pas épargnés. Diderot fait le procès de ceux qui n'ont pas de talent et qui se mêlent d'écrire.
À travers ces différents personnages, Diderot fait un état des lieux de la vie sociale.
Les paysans vivent dans la plus grande misère : les récoltes sont mauvaises, on ne leur paie pas leur dû, et le travail manque. La société évolue et la noblesse ne fait plus figure de classe privilégiée, le marquis Des Arcis vit des prodigalités de Mme de La Pommeraye et il doit renoncer à son statut en épousant une courtisane. En revanche, la bourgeoisie est en pleine ascension, Desglands acquiert un château et devient « le seigneur de Miremont ».
[...] Le choix du dialogue est à cet effet tout à fait révélateur des intentions de Diderot. Plus qu'un récit plaisant, Diderot veut faire réfléchir le lecteur et loin de lui donner des réponses, il le renvoie à lui-même, à ses interrogations, sans pour autant transformer la discussion en aporie. En effet, Diderot fait entendre des points de vue différents sur un même sujet, chacun argumente et essaie de convaincre l'autre de sa vérité. De même, le lecteur va prendre le narrateur en flagrant délit de manquement à son credo " la vérité, rien que la vérité" et lui faire reconnaître qu'il ne reproduit pas, comme il ne cesse de l'affirmer, les seuls propos de Jacques, mais qu'il réécrit : " Et Jacques s'est servi du terme engastrimute ? [...]
[...] Louis XIV avait bien compris qu'il y avait là quelque moyen de faire rentrer de l'argent dans les caisses de Versailles, aussi lui avait-il offert la possibilité d'acheter une particule. Ainsi, dans le roman de Diderot, Desglands, devient Seigneur de Miremont et côtoie la noblesse. Les usuriers Les usuriers sont très organisés entre eux, ils forment une famille solidaire où chacun a son rôle bien déterminé. Ainsi, le maître de Jacques a-t-il recours à cette chaîne de "faiseurs d'affaires" Les chirurgiens Leur incompétence est redoutable et Jacques en fait le frais : les trois chirurgiens convoqués à son chevet ne sont pas d'accord sur la conduite à tenir au regard de sa blessure au genou : le premier affirme qu'il faut lui couper la jambe, le deuxième qu'il faut extraire la balle, le troisième quant à lui n'a pas d'avis ! [...]
[...] Jacques est fataliste et ne cesse de répéter, tel un refrain, en toutes circonstances : " C'était écrit là -haut" sur " un grand rouleau"; le destin, orchestré par "l'auteur du grand rouleau", mène l'homme qui ignore tout de ce qui l'attend, aussi ne peut-il que se soumettre docilement et subir les événements. Pour autant, si Jacques soutient avec véhémence sa théorie, force est de constater que dans les faits il en est tout autrement et que, loin de supporter passivement et impassiblement les événements, il se rebelle et ne peut s'empêcher de croire qu'il est libre et peut changer le cours des choses. [...]
[...] Tous trois ne supportant plus les jalousies, les complots, les intrigues qui sont leur quotidien, quittent leur monastère, frère Jean et frère Ange partent pour Lisbonne, Richard quitte l'habit et devient le secrétaire de Des Arcis. Pour Jacques, les moines sont les pires hommes qui puissent exister, " Le meilleur ne vaut pas grand argent" (p. 82) et le maître établit une relation de cause à effet entre leur méchanceté et leur propension à nuire et leur état : à la question de Jacques " Pourquoi sont- ils si méchants", il répond " Je crois que c'est parce qu'ils sont moines." (p.82). [...]
[...] La femme du chirurgien déplore que Jacques aille s'installer au château de Desglands, car ce départ est une perte de revenus. Le peuple Les paysans, représentés par le couple qui recueille Jacques blessé, vivent dans une précarité matérielle extrême : " [ . ]à peine pouvons-nous suffire à nos besoins et à ceux de nos enfants." (p.57) Ils sont victimes des mauvaises récoltes, de l'augmentation du prix des semences, des factures impayées, et des créanciers qui " sont d'une âpreté qui désespère." Et si le paysan reproche à sa femme son sens de l'hospitalité, ce n'est pas par manque de générosité, mais tout simplement parce que Jacques représente une bouche de plus à nourrir. [...]
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