Dans nos deux romans, beaucoup de personnages semblent être à la recherche de leurs origines. Une quête d'identité, qu'elle soit collective ou individuelle, se fait en plusieurs étapes dont la première pourrait être la recherche d'une origine, d'un fondement, plus ou moins solide, sur lequel se construire, ou même se reconstruire. Bien qu'on ne puisse pas, à juste titre, réellement parler de saga familiale, on ne peut ignorer que la famille a une grande importance dans nos deux romans.
Dans Chronique des sept misères, la cellule familiale est souvent représentée comme une entité fragile mais toujours présente, qu'il s'agisse d'une famille de sang ou d'une famille dont on hérite par diverses circonstances. La famille offre un véritable cadre à l'individu qui évolue alors dans un univers qui lui est propre car les autres personnages avec qui il tisse des liens participent à l'élaboration de son identité. La famille peut être celle qui protège, qui guide ou qui offre des avantages en échange de rapports humains.
En effet, le métis Zozor Alcide-Victor profite de la communauté syrienne qui achète le silence de sa mère en lui faisant don d'un magasin qui assurerait alors une certaine aisance financière : «Cette aubaine lui permet d'utiliser ses années d'école obligatoire à ronfler près de son encrier, hors d'attente des merveilles de la culture française, sans que cela n'en fît un demandeur de pain aux chiens » (p.121-122). La famille de Zozor, même si elle l'a rejeté hors de son cercle, lui a offert une position économique enviable et ceci, en vertu des liens du sang les unissant. La figure de la mère, encore plus que celle de la femme, est toujours développée dans les romans de Chamoiseau et sert aussi de repères aux différents personnages.
[...] Nos deux auteurs ne semblent pas avoir pour objectif premier de retracer l'évolution de ces peuples d'une manière rigoureuse et scientifique. Dans Des feuilles dans la bourrasque, une date revient de manière récurrente dans le récit : 1903. Elle ne correspond pas à un quelconque événement important dans l'histoire de la Colombie. Elle est fictive et correspond à l'arrivée du docteur à Macondo. Elle est le point de départ de l'intrigue puisque c'est à partir de cette arrivée que ce qui est considéré comme une malédiction par différents habitants du village prend corps. [...]
[...] Le docteur ne cherche pas à acquérir les bonnes grâces du colonel et si ce dernier lui offre son hospitalité et son intérêt, il le fait comme on pourrait le faire envers un membre de sa famille. Même si, au départ, leur relation est aussi artificielle que celle du colonel et du docteur, les djobeurs de Chamoiseau, cette fois par l'intermédiaire de leur travail, se créent une nouvelle famille. Auparavant, les djobeurs existaient, mais sans avoir de contacts les uns avec les autres Aux débuts d'Héloïse, nous, djobeurs, étions déjà là, vivaces, mais dispersés, anonymes et sans clans (p.50).C'est par l'intermédiaire de Pipi, leur référence unificatrice à tous, que les djobeurs vont parler de leurs existences : Or, le meilleur de tous fut de tout temps Pipi maître- djobeur, roi de la brouette, coqueluche des jeunes marchandes et fils de toutes les vieilles [ . [...]
[...] Dans son premier roman, si on laisse de côté les dix-huit paroles d'Afoukal, l'auteur évoque seulement les conséquences de ces traumatismes historiques sur la population antillaise moderne. Il ne s'agit plus d'aller retrouver sa liberté dans les mornes, mais de réinvestir l'espace et de réellement se l'approprier. Le récit s'articule alors autour de trois espaces principaux : le marché, là où les personnages vont travailler, la forêt, là où Pipi se retire hors du monde et les différents lieux de vie auxquels on peut ajouter le café de Chinotte qui représente un lieu de rencontres et de partage. [...]
[...] Il est en effet question de départs en France, mais bien qu'ils constituent une véritable toile de fond, ces voyages ne font pas l'objet d'une réflexion particulière. Le récit principal, imaginaire de l'auteur s'ancrent au contraire dans la terre de la Martinique, car c'est de cet espace et de ces particularités dont il est avant tout question. Dans Chronique des sept misères, le paysage participe activement à la construction d'une identité commune, car, indirectement, il illustre l'essence profonde d'un peuple. [...]
[...] En effet, la suite de l'œuvre le prouvera, malgré tous les espoirs et les efforts des participants, le marché ne retrouvera plus jamais sa vigueur d'antan. Plus rationnel et plus organisé, il ne ressemble plus au marché qui nous était présenté dans les premières pages du roman: Ô cette époque ! La municipalité avait tracé les choses au compas : viandes, poissons, légumes se vendaient séparément, sous des toits, entre des grilles et sur des établis (p.75). En cédant à la pression de l'organisation et de la norme, le marché perd peu à peu sa fonction sociale pour ne conserver qu'une fonction commerciale. [...]
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