Alors que le narrateur n'est âgé que d'une douzaine d'années et aux prémices de sa vocation dans Du côté de chez Swann, il serait intéressant de nous demander dans quelle mesure la réflexion de Marcel Proust s'y trouve illustrée.
Nous verrons d'abord quel est l'impact de l'art sur le narrateur et Swann dans ce premier tome de La Recherche. Puis, nous pourrons nous demander comment la future théorie de Marcel Proust transparaît dans l'histoire racontée par le narrateur de sa propre vie et de celle de Swann, ami de la famille. Enfin il pourrait être bon de voir si "le travail inverse" de l'amour-propre, de la passion, de l'intelligence et de l'habitude peut détourner de l'art ou au contraire, y participe (...)
[...] Il ne se repose pas sur ces lauriers et de ce fait avance dans l'expérience de l'écriture. C'est ainsi qu'après le trouble engendré sur le chemin de Martinville quant à sa vocation littéraire, pour rappel : : il me parut plus affligeant encore qu'auparavant de n'avoir pas de dispositions pour les lettres, et de devoir renoncer à jamais à être un écrivain célèbre (p176). Il va finir par écrire quelques temps plus tard son premier texte littéraire, détaché aussi de Bergotte et venant de lui même : soulager ma conscience auxquels même adulte il ne trouvera rien à redire : auquel je n'ai eu a faire subir que peu de changements (p179). [...]
[...] Pour lui, le thème musical est une véritable idée qu'exprime le compositeur et il permet l'accès à un univers éternel, inaccessible à l'intelligence mais bien réel. La plus grande puissance de l'art est de survivre malgré le temps et de ne pas s'effriter au contraire de l'amour. L'art dure éternellement et nous ne pourrons jamais nier les souvenirs qui sont associés à lui : ( . )peut-être les perdrons-nous, s'effaceront- elles lorsque nous retournerons au néant. Mais tant que nous vivons, nous ne pouvons pas plus faire que nous ne les ayons connues ( . [...]
[...] La création artistique est donc bien née ici d'une rupture dans l'habitude, sans quoi, le narrateur n'aurait sans doute rien rédigé : Sans me dire que ce qui était caché derrière les clochers de Martinville devait être quelque chose d'analogue à une jolie phrase, puisque c'est sous forme de mots qui me faisaient plaisir, que cela m'était apparu, demandant un crayon et du papier, je composai ( . )pour soulager ma conscience (p179) Pourtant, il faut tempérer le propos du narrateur et s'interroger sur le travail inverse comme moteur de la vocation artistique. En effet ces obstacles sont peut-être nécessaires et préalables à la création. Dans ce cas : l'expérience de ces épreuves est-elle un vrai danger à la création ? [...]
[...] Cependant l'intelligence lui rappelle également sa souffrance et l'épreuve de la jalousie. Il comprend par là que l'amour entre lui et Odette ne renaîtra jamais : A partir de cette soirée, Swann comprit que le sentiment qu'Odette avait eu pour lui ne renaîtrait jamais, que ses espérances de bonheur ne se réaliseraient plus (p347). L'intelligence est ce qui nous rend raison et nous empêche d'avancer aveuglément, elle nous permet tout de même d'atteindre la vérité des choses mais on ne peut cependant pas concevoir une vérité des choses atteint que par elle. [...]
[...] On peut donc dire de l'art qu'il est l'au-delà de l'apparence et une fois de plus c'est chez Proust la métaphore qui opère ce travail. Dans la description des monocles, on s'aperçoit qu'à travers elle, ce n'est pas simplement l'objet qui est décrit mais surtout l'homme qui le porte : (le monocle) donnait au visage du marquis une délicatesse mélancolique, et le faisait juger par les femmes comme capable de grands chagrins d'amour (p322). C'est atteindre la vérité des personnages, de l'art (la sonate) ou des paysages (la haie d'aubépines, les nénuphars, les clochers de Martinville) qui est voulue. [...]
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