L'Insoutenable légèreté de l'être a été publiée en 1984 durant la période française de Milan Kundera. Jan Rubès dans le Dictionnaire des auteurs européens donne une définition de l'œuvre de Kundera qui s'applique précisément au roman étudié : « Kundera, dans son oeuvre fait part de deux expériences fondamentales de notre temps : celle de la vie dans un système totalitaire et dans la société libérale. Mais au-delà des faits sociaux qui constituent le cadre de ses écrits, c'est l'individu qui intéresse Kundera romancier, et le destin de la culture européenne, notamment du roman et de la musique, quand il se fait essayiste. »
Au cœur de l'œuvre de Kundera que nous nous proposons d'étudier se trouve le difficile problème de la communication. En effet à l'origine du langage se trouve posée la question de l'identité. Les hésitations, les tâtonnements du langage traduisent les différentes tentatives de la quête de soi, les expérimentations de l'être selon l'expression consacrée de Kundera. Tout au long du roman nous avançons vers une privation progressive de la parole qui se trouve incapable de dire le moi mais également d'exprimer toute la complexité du monde. Les personnages du roman s'inscrivent dans un contexte politique qui laisse peu de place au langage et à l'expression de soi, quant au contexte historique sans être le moteur du roman, il s'inscrit néanmoins en toile de fond et exerce un certain poids sur les différents protagonistes.
[...] Le narrateur apporte une définition très explicite de la fonction du rêve (page 91) Le rêve n'est pas seulement une communication, c'est aussi une activité esthétique, un jeu de l'imagination. Le rêve est la preuve qu'imaginer, rêver ce qui n'a pas été, est l'un des plus profonds besoins de l'homme D'après cette réflexion nous pouvons interpréter les nombreux rêves de Tereza, comme une réponse à un besoin ontologique, un moyen de saisir le personnage dans toute sa complexité et ainsi d'envisager l'être dans sa totalité. [...]
[...] Le corps de la femme fait l'objet d'une conquête permanente pour les deux hommes et ils se trouvent pris dans une spirale infernale, le corps de Sabina est un moyen pour Franz d'échapper à celui de sa femme Marie-Claude. Enfin au sein de l'œuvre le corps est envisagé comme un relais au langage conventionnel, il devient l'expression de la vérité, il constitue un lâché- prise. Dès la page 63, le corps prend le relais de la parole : Ce supplice d'entendre son ventre prendre la parole au moment où elle se retrouvait face à face avec Tomas ! [...]
[...] Tereza apparaît comme un personnage élu, puisqu'elle est la seule à rêver autant contrairement à Sabina et Franz peut être parce qu'elle est la seule à la fin de l'œuvre à ne pas accepter la légèreté de l'être. Enfin, nous achèverons notre réflexion sur le langage du corps qui tient une grande place dans le roman de l'Est du XXe siècle et surtout dans le roman de Kundera. Le corps tient un rôle prépondérant dans l'insoutenable légèreté de l'être, il incarne un personnage à part entière d'ailleurs l'auteur lui consacre deux parties sur les sept du roman. [...]
[...] Le corps au sein du roman revêt diverses problématiques, Tereza est le personnage qui entretient envers lui une relation très ambigüe, du rejet de son propre corps elle parvient à la fin du roman à l'accepter et à le conquérir. Pour conclure, aborder le langage et la communication au sein du roman de Kundera revient à repousser les limites du dicible, à dépasser cette crise du langage cristallisée par une époque politique et historique troublée et des personnages en quête de soi pour parvenir à un autre moyen de communication qui se rapprocherait de la vérité. [...]
[...] Le rêve tient une large place dans l'œuvre de Kundera, il prend le relais de la réalité et permet de la transcender. Il devient un prolongement du langage, il traduit l'expression des craintes et des angoisses les plus profondes ou encore des fantasmes. Le rêve devient dans un régime autoritaire le seul moyen d'expression, le seul moyen d'échapper au poids de la réalité. Kundera en donne une définition dans L'Art du roman : Comme Kafka, j'éprouve ce désir de faire entrer le rêve, l'imagination propre au rêve dans le roman. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture