Qu'il soit symbolique ou futile, charmant ou farfelu, provocateur ou informatif, le titre fera toujours partie intégrante de l'œuvre. En tant que tel, il se révèle tenir une place majeure dans la perception que le lecteur a de l'ouvrage.
Cette idée est illustrée par le roman posthume d'Albert Camus intitulé "Le premier Homme". En effet, l'auteur a compris combien le titre, plus qu'un simple élément esthétique, se doit de surprendre et d'enchanter le lecteur, car il s'agit de son premier contact avec l'œuvre et bien souvent, de son premier critère. Ainsi, nous sommes d'abord intrigués par "Le premier homme". Ce titre s'avère être intéressant quant à la multiplicité des interprétations possibles, court et bref, c'est une sorte de prémisse avec laquelle la réflexion va commencer : qui est le premier homme ? Par rapport à quoi ? Quel en est la signification ?
Nous sommes alors tentés de donner une dimension mythique à ce titre en nous référant à Adam, le premier homme. A ce propos, Camus avait d'abord envisagé d'appeler son roman Adam.
Mais ce qui nous frappe le plus, c'est le sentiment de solitude qui émane de ce titre, (sentiment que nous retrouverons d'ailleurs tout au long de la lecture de l'œuvre), il marque un défaut d'enracinement dans le passé : le premier homme n'a pas d'origines, pas de valeur à laquelle se référer, puisque précisément il a tout à faire.
Deux grandes idées se dégagent à priori du titre et nous poussent à une lecture approfondie de l'œuvre pour comprendre, au delà de la simple relation titre/récit, quel message Camus souhaitait nous communiquer, et par la même occasion, connaître les interrogations qui l'ont poussées à écrire un tel roman.
[...] Le Premier Homme : un titre qui donne tout son sens au roman Le Premier homme relate une double quête, celle du père et celle de soi. Tout au long du roman, nous sommes donc les spectateurs de la quête d'identité du héros, Jacques, alter ego d'Albert Camus qui passe par l'évocation de son passé. Le contenu de cette autobiographie fictive est ainsi fournie par les souvenirs d'enfance et d'adolescence d'Albert Camus : souvenirs de la vie familiale, de l'école, du lycée, de la rue, à Alger de 1914 au début des années 1930. [...]
[...] Le fait qu'il puisse décrire son école dans les moindres détails nous incite à penser que c'était un lieu très important pour lui, le point de départ de ses rêves d'écolier : la puissante poésie de l'école c'était le monde de la connaissance. C'est en partie grâce à sa scolarité et à son instituteur M Germain que Camus a dépassé sa condition sociale pour devenir un écrivain renommé. Cependant, l'école semble être un lieu où il se sent seul, l'expression ses enfants montre une certaine distance entre Jacques et les autres. On retrouve bien le caractère solitaire de Camus. Solitaire dans le sens où toute sa vie il s'est considéré comme le premier homme d'une classe de déracinés, de déshérités. [...]
[...] Ceci est particulièrement vrai lors de son passage au lycée, où une nouvelle vie commence pour lui puisque tout les matins, il quitte son quartier pauvre pour se rendre en tramway à son lycée, au sud de Bab-el-Oued. Il découvre alors que la plupart de ses camarades ont bien souvent un niveau de vie plus aisé que lui. Il est d'ailleurs gêné d'écrire la profession de sa mère, domestique sur la fiche de renseignements : Jacques se mit à écrire, s'arrêta et d'un seul coup connut d'un seul coup la honte et la honte d'avoir eu honte Il se rend alors compte de sa condition sociale, de sa mère et de sa grand-mère analphabètes, de son enfance menée dans un misérable trois-pièces d'Alger, dans lequel aucun livre n'avait jamais pénétré avant qu'il n'en emprunte à la bibliothèque. [...]
[...] Ainsi, le premier homme est enrichissant puisqu'il montre comment est né cet esprit humaniste chez Camus, humanisme qui le poussera toute sa vie a s'élever contre le racisme, l'intolérance, la violence et le terrorisme, qui expliquera ses engagements et ses opinions politiques. En effet il était en faveur d'une fédération entre les populations arabes et françaises, il souhaitait voir en Algérie une population mixte avec des droits égaux. On retrouve cette solidarité de Camus directement dans le Premier Homme lorsque Jacques explique comment la condition misérable de sa mère et de sa grand-mère conduit l'atrophie de la mémoire. [...]
[...] Ils ont ainsi parfois du mal à comprendre le travail de Camus et souvent une mauvaise conscience vis-à-vis de la classe ouvrière. Mais les origines de Camus lui donnent aussi une force, puisque contrairement à d'autres écrivains qui ont seulement vu la pauvreté, lui l'a vécu et peut en parler en connaissance de cause. Camus ne reniera jamais ses origines et se sentira toujours proche des déshérités. Toute sa vie il aura la volonté de parler pour ceux qui ne peuvent pas parler pour eux-mêmes. [...]
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