Le pont sur la Drina est une œuvre de Ivo ANDRIC écrite en 1942 et parue en 1945. C'est une chronique de la vie d'une ville de Bosnie, Visegrad, de ses habitants, musulmans, serbes c'est-à-dire orthodoxes ou bien juifs. Cette vie se concentre autour du pont de la ville, le pont sur la Drina, qui marque la frontière entre la Bosnie et la Serbie. La narration débute avec la construction du pont par le vizir Mehmed Pacha, originaire de Sokolovici, un village environnant de Visegrad, durant la première moitié du XVIème siècle, et se termine par sa destruction par les Autrichiens au début de la Première Guerre Mondiale. Ivo ANDRIC nous dresse ainsi des portraits d'habitants, nous raconte des anecdotes, des moments de la vie d'une ville, parfois des évènements à portée historique. C'est en fait la chronique de la vie du pont, car parler du pont, cela équivaut à parler des Visegradois et inversement. De cette manière, Ivo ANDRIC aborde des thèmes aussi variés que la religion, le sens de la vie, de l'Histoire, toujours à travers la symbolique du pont dur la Drina
[...] La religion constitue indubitablement le premier facteur d'appartenance. On peut à ce titre multiplier les exemples. Pendant l'occupation ottomane, la religion orthodoxe est pour les Serbes un élément d'opposition, de reconnaissance pour se distinguer de l'ennemi : les chrétiens se taisaient, mais ils observaient le chantier avec des arrière pensées malveillantes en lui souhaitant, comme à toute entreprise turque, d'échouer Ce thème est d'ailleurs l'un des leitmotive de la lutte nationaliste dans tous les Balkans tout au long du XIXème siècle. [...]
[...] Ce thème est repris dans le chapitre huit, où est mise en exergue la prédominance des rumeurs, des commentaires entre voisins : les gens de la ville continuèrent encore un temps à commenter l'évènement Tout au long de l'ouvrage, on voit bien l'importance de l'opinion publique. Tout semble naître et mourir dans la communauté, mettant en évidence le besoin de lien social, même si celui-ci se construit autour d'évènements malheureux. Tout se raconte, les histoires, même les plus intimes, circulent, et c'est d'ailleurs souvent à travers cette mise en commun que le lecteur découvre nombre d'anecdotes. Un thème parallèle, l'oubli, est également évoqué indirectement dans beaucoup de chapitres. [...]
[...] Le pont a par conséquent l'éternelle jeunesse des grandes œuvres conçues avec génie, lesquelles ignorent ce que vieillir ou changer veut dire En effet, le temps semble glisser sur le pont, il ne subit pas les maux du temps qui passe, contrairement aux hommes. Ce bâtiment est paradoxal : d'une part, il reflète les mouvements que connaît la ville, il semble donc avoir une portée temporelle. Mais d'autre part, ces évènements, s'ils changent son apparence provisoirement, ne peuvent l'altérer durablement, altérer sa nature profonde, et toujours il ressurgit, comme avant ; ainsi va la vie. [...]
[...] C'est le cas pour les dignitaires religieux : le pope NIKOLA et le moula IBRAHIM s'entendent bien, si tant est que l'on puisse parler d'amitié à cette époque entre un musulman et un serbe Une frontière invisible mais infranchissable semble se profiler : les musulmans et les serbes ne fréquentent pas les mêmes magasins existe ainsi des banques serbes et des banques musulmanes-, des heures de promenade bien déterminées leur sont dévolues sur la kapia. Les relations sont bien déterminées et personne n'irait s'aventurer à changer l'une de ces règles. Mais si les deux communautés vivent en bonne intelligence et dans un relatif respect mutuel en temps normal, tout change en cas de révolte ou de guerre. Par exemple, durant l'occupation ottomane, il y eut plusieurs révoltes serbes, de Karageorge par exemple, ou de Obrenovic. [...]
[...] Grâce à des récits apparemment innocents et anecdotiques, le lecteur découvre la réalité d'une zone agitée, où la religion, plus que tout, prime sur le reste. Une zone aux confluents de deux mondes, symbolisé par le pont, lien entre ces deux mondes, l'Orient, et l'Occident. Cet ouvrage attire vraiment l'attention du lecteur, il est vif, drôle parfois, fait découvrir des personnages haut en couleur. C'est avant tout un récit, et non pas une étude sur l'Histoire ou la sociologie des Balkans. Pourtant, le lecteur apprend également beaucoup et c'est cette ambivalence qui fait la richesse de ce livre. [...]
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