Philippe, Camille Laurens, récit autobiographique, deuil, dignité humaine, écriture, rétrospection lucide, utilisation du je, thème de la mort, douleur de la réalité, sarcasme, ironie
Camille Laurens restaure doublement sa personne réelle dans cette œuvre autobiographique. Elle restaure sa dignité face à la mort et opère une création de son discours autobiographique. Elle répare par l'écriture les dommages causés par le vide de sens vécu dans la réalité. L'indice de cette réparation est l'émergence d'un « je » énonciateur qui n'existait pas jusqu'à présent et dont elle refusait d'accoucher.
En évoquant le moment où il lui semble avoir été dévitalisée par la maltraitance dont elle a fait l'objet (et qui l'a réduite à n'être qu'objet), l'écriture est pour Laurens une pratique efficace comme création du « je » dans le champ symbolique. Cette mise en écriture d'un « je » est une autre naissance, une émergence, car elle ne s'y était jamais résolue auparavant.
[...] Ce tressage se double d'un « dialogue » discordant entre son discours subjectif revivant sa détresse et le discours documentaire scientifique, qui vient déclarer de façon neutre, mais inévitable ce qui aurait dû être fait au moment même où cet épisode dramatique se déroulait. Cette alternance met en scène des deux temporalités qui se disputent sa conscience à jamais : au moment où elle écrit et à chaque fois qu'elle le relira, et à chaque fois qu'un lecteur le lira. Le lecteur est en recul, en position de spectateur, de voyant, lucide. Par l'écriture, Laurens accède à la vue : au symbolique, au sens, à la construction au lieu d'être livrée à la destruction aveuglante. [...]
[...] L'écriture est-elle à la hauteur pour faire d'un aveugle un voyant ? Camille Laurens opère par l'écriture une restauration de la sémiologie, fait émerger du sens face à l'absurde (l'incompétence invraisemblable d'un pédiatre à assurer la sécurité d'une naissance malgré tous les signes de détresse) et obtient une modification radicale de sa voix : elle accède, dans la déclaration de son « grief », à une voix haute qui balaye celle d'autrefois, basse et restreinte, elle autorise ainsi finalement, sans triomphe, mais avec certitude, l'émergence d'un « je » qui la pose désormais comme sujette de sa vie « Jusqu'ici, j'ai toujours trouvé impensable, ou, pour mieux dire, impraticable d'écrire Je dans un texte destiné à être publié, rendu public » (chapitre ÉCRIRE). [...]
[...] Philippe - Camille Laurens (1995) - Récit autobiographique du deuil personnel vécu en 1994 Camille Laurens, restaure doublement sa personne réelle dans cette œuvre autobiographique. Elle restaure sa dignité face à la mort et opère une création de son discours autobiographique. Elle répare par l'écriture les dommages causés par le vide de sens vécu dans la réalité. L'indice de cette réparation est l'émergence d'un « je » énonciateur qui n'existait pas jusqu'à présent et dont elle refusait d'accoucher. En évoquant le moment où il lui semble avoir été dévitalisée par la maltraitance dont elle a fait l'objet (et qui l'a réduite à n'être qu'objet), l'écriture est pour Laurens une pratique efficace comme création du « je » dans le champ symbolique. [...]
[...] « Vivre » souligne essentiellement le manque de savoir-vivre de certains vivants indignes face à la mort. Écrire Chapitre libérateur de sens où elle relie l'activité de médecin et d'écrivain comme deux pratiques sémiologiques majeures « la médecine, comme l'écriture, est d'abord la science de l'Autre », mais aussi où elle pressent la source de son identité symbolique « le lieu exact d'où j'écris la mort de Philippe, mais sans doute aussi celui d'où j'ai toujours écrit ». La narratrice en extrait une nouvelle conscience « J'écris pour voir. [...]
[...] La narratrice se libère du silence à travers ce récit-analyse « je crie pour que tu cries », déclaration qui peut encore avoir comme sous-texte : j'écris pour que j'aie cris. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture