Le mythe de Roméo et Juliette a suscité et suscite encore une certaine fascination vis-à-vis des personnages. C'est ainsi qu'il a été régénéré par de nombreuses réécritures, dont celle de Shakespeare. Dans Roméo et Juliette, il s'inspire du chapitre IV des Métamorphoses d'Ovide, et, de la même façon que Bandello, il ajoute quelques éléments, tels que le personnage de la nourrice. Nous nous intéresserons donc à la place de la nourrice, à son image afin de montrer si elle est impliquée dans l'originalité de la pièce de Shakespeare.
[...] Elle apparaît ici en tant que messagère de la fatalité. En outre, en devenant petit à petit un obstacle pour Juliette, en marquant une rupture dans leur confiance et leur complicité, elle se dote de l'image de victime de l'ironie tragique. Elle s'offre malencontreusement le mépris de Juliette, sans le soupçonner, et en cela devient quelque peu tragique. Finalement, la Nourrice se veut le reflet de l'originalité du genre de la pièce, en suivant l'esthétique baroque qui y est présente, en incarnant un personnage libérateur qui permet ‘ajouter un air de comédie, et en laissant la tragédie se dérouler, tout en subissant elle-même un destin tragique, marque de fatalité. [...]
[...] De plus, en tant que personnage externe aux familles, son implication dans la tragédie se voit limitée. En effet, au même titre que Frère Laurent, ce personnage est neutre. De la sorte, à aucun moment dans la pièce la Nourrice n'insulte un Montaigu sans raison. On notera même, dans l'Acte scène qu'elle présente Roméo à Juliette comme Le fils unique de votre grand ennemi montrant bien qu'elle ne prend pas part au conflit. Ainsi, ne prenant pas le parti d'une des deux maisons, elle se préserve de la querelle et de ses conséquences tragiques. [...]
[...] Suzanne, elle, est au ciel de l'acte scène 3. De plus, c'est également elle qui découvre Juliette, la croyant morte à l'acte IV, scène 5. En plus de ce thème funeste, elle a recours, tout au long de la pièce à de nombreuses hyperboles, figure de style récurrente dans l'esthétique baroque. Ainsi on trouve : Ces peines, ces malheurs, ces chagrins me font vieillir de dix ans (v.89, Acte III, ou encore : Que jamais il n'osera venir vous reprendre (v.216) à l'Acte III, scène 5. [...]
[...] Ainsi, elle dévoile son caractère matérialiste en affirmant à Juliette : Je pense que le mieux pour vous est d'épouser le comte (Acte III, et désapprouve Roméo dans ce même acte : Roméo, à côté, n'est qu'une lavette (v.221). S'affranchissant de sa fonction de confidente, elle devient ainsi un obstacle, victime de l'ironie tragique, puisqu'elle ne sait pas que cela se retournera contre elle. L'esthétique baroque mélange, ensuite, le vrai et l'illusion. Ainsi, on peut voir une représentation de ce concept à la scène 5 de l'acte IV, où la Nourrice découvre le corps de Juliette. La Nourrice la croit tout d'abord endormie, mais de par les nombreuses exclamations, une précipitation et une angoisse se décèlent. [...]
[...] Elle emploie également des expressions qui prêtent à rire, comme Par le pucelage que j'avais encore à douze ans (Acte ou Une bonne aussi grosse qu'une couille de coq (Acte et parfois déplacées : Non pas plus sage, plus ronde, au contact d'un homme (Acte 3). En outre, c'est un personnage aux réactions impulsives et naïves. C'est ainsi qu'à l'acte II, scène dans sa colère, elle confond les mots gibier de potence et gibier d'impotence Dans cette même indignation, elle insulte Mercutio de Malotru et établit des menaces qui deviennent comiques quand on considère qu'une simple nourrice est prête à affronter un homme, et même plusieurs. [...]
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