« Un brave homme – pension bourgeoise, six cents francs de rente – s'étant dépouillé pour ses filles qui toutes deux ont cinquante mille livres de rente, mourant comme un chien » : tel est le résumé que l'on peut lire sur le manuscrit de Balzac qui contient le germe du Père Goriot. Pourtant, le livre est plus que le récit, douloureux, d'une agonie. C'est à la fois l' « éducation sentimentale » d'un Frédéric Moreau qui se nomme Eugène de Rastignac, et le tableau d'une ville livrée aux plaisirs, d'une nouvelle Babylone, dont les habitants, même (et surtout) les plus distingués d'entre eux, se déchirent sans relâche. À l'image de la pension Vauquer, où loge notre héros, Le Père Goriot est un carrefour des destins. Un roman multiple, pluriel, qui restera au centre de la Comédie humaine. C'est à ce traité des passions que Balzac doit sa renommée ; et, comme il n'ignore rien de ce qui est humain, ce traité n'a pas de morale.
[...] Ces deux figures le mettent face à la réalité de la vie à Paris, et face à la nature humaine, dans ce qu'elle a de plus vicieux : moi et la vie, nous sommes comme un jeune homme et sa fiancée. Vautrin m'a fait voir ce qui arrive après dix ans de mariage nous livre Eugène. Quant à Mme de Bauséant, ses conseils sont aussi abominables que précieux : plus froidement vous calculerez, plus avant vous irez. Frappez sans pitié et vous serez craint. N'acceptez les hommes et les femmes que comme des chevaux de poste que vous laisserez crever à chaque relais, vous arriverez ainsi au faîte de vos désirs. [...]
[...] De ce point de vue, Balzac apparaît comme un avant-gardiste, un naturaliste avant le naturalisme. On ne peut ici s'empêcher de noter à quel point il avait déjà fait sienne la définition du naturalisme que Maupassant donnera, bien plus tard, dans sa préface de Pierre et Jean (1888) : le réaliste, s'il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même. [...]
[...] Pourtant, s'il fournit un repère commode, un instant privilégié dans la carrière et dans l'aventure intellectuelle du romancier, il n'en demeure pas moins un roman qui peut et doit être lu pour lui-même, et pas seulement comme drame de la paternité ou peinture de la réalité sociale d'une époque révolue. Editions de référence : Honoré de BALZAC, Le Père Goriot (1835), in La Comédie humaine. III, Paris, Pléiade, Gallimard Honoré de BALZAC, Le Père Goriot (1835), Garnier Flammarion, Paris Articles utilisés : Anne-Marie Baron, Le Père Goriot de Balzac ou la dure épreuve de la réalité l'Ecole des lettres, mai 1996 Philippe Berthier, Balzac du côté de Sodome dans Figures du fantasme. Un parcours dix-neuviémiste, Toulouse, Presses universitaires du Mirail Notes bibliographiques : J. [...]
[...] Le lecteur assiste, impuissant, à la compromission d'un cœur pur, qui semble choisir le prétexte de la vengeance pour se disculper. Eugène ne veut-il pas s'absoudre d'avance des pêchés qu'il devra nécessairement commettre pour satisfaire son ambition ? Goriot est mort et enterré ; Rastignac, le nouveau, peut naître. Ce dénouement lance un personnage important de la Comédie Humaine, qui épousera la fille de Delphine obtiendra son salaire, et parviendra (le mot est lâché) au rang de ministre, en 1845, dans Les Comédiens sans le savoir. [...]
[...] Goriot se meurt, eh bien, c'est ce qu'il a de mieux à faire lance M. de Restaud), on peut noter quelques pointes cocasses, telles MAISON VAUQUER, Pension bourgeoise des deux sexes et autres Que penser des nombreux personnages du Père Goriot ? S'il en est un qui mérite particulièrement que l'on se penche quelque peu sur lui, c'est bien Vautrin. Sa première qualité, c'est la lucidité, la clairvoyance d'un psychologue : Vautrin lit dans l'esprit de Rastignac comme dans un livre ouvert ; il analyse les moindres pensées qui y cheminent. [...]
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