Paul Valéry, Variétés I et II : Stéphane Mallarmé, Le coup de dés, Dernière visite, Lettre sur Mallarmé

Résumé du document

Les quatre chapitres de ces variétés sont dédiés à Mallarmé. On se rend tout de suite compte de l'admiration que Valéry éprouve à l'égard de ce « modèle », modèle d'ambition littéraire, modèle d'humanité. Ainsi Valéry décrit Mallarmé comme une personne simple, douce et humble, magnifié tout au long du texte. Valéry part d'anecdotes, en forme de journal qui évoque plusieurs rencontres entre les deux auteurs, qui sont des prétextes à dériver sur les descriptions des personnes psychiques, l'évocation de vues littéraires.
La prose de Valéry atteint une forme surréaliste, use de l'hyperbole, de la métaphore, de l'association instinctive. Ainsi une certaine poétique dans la métrique du texte, crescendo et ruptures, structures chiasmiques, antithèses, procédés de narration et de description surréalistes… : on ne peut parler de Mallarmé et de sa production littéraire sans l'imiter, sans toucher à la métalittérature.

Extraits

[...] Valéry en appelle à un détachement, et il insiste sur cette honnêteté d'écriture et de lecture qu'on a déjà évoquée, et sur l'idée que la lecture de Mallarmé propose une révolution de pensée Cette œuvre sans seconde touchait et s'attaquait à la convention fondamentale du langage ordinaire non pas comme un moyen utilitaire de compréhension et de communication, mais une beauté pure, un absolu qui doit s'émanciper du besoin de paraître et tout simplement être. Cette honnêteté consiste aussi, pour la minorité des lecteurs, en un travail, qui les rendra actifs lors du miracle de l'instant de lecture, comme la lâcheté des lectures dogmatiques rabaisse le lecteur. Le moi psychique de Mallarmé est décrit de nouveau comme un monde d'idées et de formes ; ici, Valéry enfin s'intéresse plus aux mécanismes qui régissent une pensée qu'à son résultat. [...]

[...] Par la description de la manière qu'avait Mallarmé de lire son coup de dés, il donne au Verbe une valeur physiologique, une consistance matérielle : la Parole mallarméenne est comme divine, créatrice, performante. L'écriture est une véritable idéographie, qui donne corps à l'abstraction, dans le cas du coup de dés comme une hypotypose mouvante et perpétuelle Le rythme d'une phrase au sujet d'un acte, ou même d'un objet, n'a de sens que s'il les imite et figuré sur le papier, repris par la lecture à l'estampe originelle, n'en sait rendre, malgré tout, quelque chose. [...]

[...] Valéry reprend aussi ici la notion de poète à figure d'ermite, qui doit s'émanciper de lui- même (le rôle de l'orgueil est seulement de pouvoir imaginer ce dépassement et de le mettre en œuvre). Malgré tout ce texte théorique garde un goût d'oraison funèbre : on remarque un clin d'œil sombre au corbeau et à son jamais plus de la Genèse d'un poème de Poe : cette triste référence témoigne, en lien avec l'idée de cosmicité et d'absolu métaphysique principalement développé jusqu'ici, d'une intertextualité : d'ailleurs, les vues de Poe sur le travail du texte et ses mécanismes que l'auteur théorise dans la Genèse d'un poème, peuvent rejoindre celles de Mallarmé et seront développées plus bas). [...]

[...] Je n'en pourrais parler à fond sans parler excessivement de moi- même qui témoigne encore d'une admiration extrême et d'une vague notion d'influence, l'auteur ne sachant pas enfin démêler ce qu'il fut de ce qu'il me fut. Ce développement sur la notion d'influence s'étoffe de nouvelles allusions à une intertextualité, à la remise en question de toute création ex nihilo. L'auteur qui a vécu dans le monde ne peut démêler les réseaux de ses influences et leur valeur, car nombreuses, complexes et surtout pour la plupart inconscientes. [...]

[...] Valéry passe de l'influence mallarméenne aux influences qu'a utilisées Mallarmé : Baudelaire entre autres. Or l'influence pour Mallarmé n'est pas inconsciente (le paradoxe vu plus haut s'efface donc), le réseau d'influences est étudié, mis au défi et ayant pour loi constante d'obtenir en chaque point des résultats qui étaient rares, singuliers, et comme de pure chance chez eux [les autres auteurs] Cette notion d'exigence instaure une éthique de l'artificiel (rien n'est laissé au hasard et tout est étudié et consciemment mis en place) qui doit réintroduire un choc de l'écriture. [...]