Pierre et Hedwige sont mariés, vivent à Neuilly où ils font chambre à part car il « éprouvait un plaisir vif et amer à se donner la discipline et à commencer la vie comme s'il était marié depuis trente ans » (178) alors qu'elle « attendait et le temps lui paraissait long, aussi long que l'ennui » (180). Si elle ne comprend pas l'attitude de son mari, elle réalise qu'ils ont échangé « des serments, non des confidences ». Au bout de six semaines, l'homme pressé décide de se presser, sentant Hedwige amoureuse et consentante. Il met en scène une soirée avec restaurant et théâtre qu'il bouscule comme d'habitude, se déshabille dans l'escalier et attend dans le lit de sa femme (...)
[...] Un détail plus personnel relie l'auteur et son héros. En effet Ginette Guitard-Auviste raconte, dans sa biographie de Morand que celui-ci eut, à la fin des années 30, à Londres, une liaison avec une femme mariée dont naquit un enfant en janvier 1939. Et Daniel-Henri Pageaux d'écrire dans l'édition de la Pléiade : L'homme pressé transpose en situation romanesque une situation réelle : le père du roman meurt à la naissance de son bébé exactement comme Morand, père clandestin, mourra pour l'état civil.L'homme pressé est aussi le roman de la paternité accueillie avec enthousiasme, mais mal vécue, mal comprise, mal intégrée dans une vie trop compliquée, trop agitée Parce qu'il écrit à Montherlant qu' il n'y a de gloire de plaisir qu'obtenus vite parce qu'il est plus amateur d'orgasmes qu'épris de volupté, parce qu'il est ambigu, le romancier a dessiné un calque de lui- même en son personnage tout en se distanciant. [...]
[...] Car Paul Morand a le coup d'œil. Chardonne ne s'y est pas trompé quand il écrit Morand est un œil l'intelligence est un œil Il insiste sur le trait en éclair, le ton cassant, l'image qui fait sursauter Il sait mettre ses mots en images. Outre les bonheurs d'expression, la littérature de Morand est d'une richesse du vocabulaire tout à fait remarquable qui n'est pas une marque de pédanterie mais un vrai plaisir des mots. Le style est vraiment au service du récit et de ce point de vue le début de L'homme pressé est éblouissant par le choix des verbes et du temps pour introduire son personnage (voir le début du résumé). [...]
[...] Sa démarche est si ravissante qu'involontairement Pierre repose son chapeau. Elle veut savoir à qui il a remis l'argent et lui, craignant un interrogatoire s'échappe aussitôt sous le prétexte d'un rendez-vous urgent. Hedwige revient avec pour seule réponse la promesse d'une entrevue pour élucider l'affaire. Pierre invite peu après à dîner Hedwige et Fromentine. La première est réservée quand sa cadette est plus éveillée, plus mode Si la grande douceur ondulante d'Hedwige incite Pierre, l'impatient, à souffler enfin, il est vite repris par ses mauvaises manières, ce qui fait dire à Fromentine Quel homme électrique ! [...]
[...] 6 L'homme pressé ou de la comédie à la tragédie. Analyse Les chiffres entre parenthèses renvoient aux pages de l'édition L'imaginaire 1 Résumé Première partie : Un train d'enfer L'auteur présente son héros en entrant immédiatement dans le vif du sujet. Pierre Niox, dès la première page, saute d'un taxi entre dans un restaurant, s'arrête net, bondit, boit d'un trait pour constater qu'il n'a pas soif. Que d'énergie dépensée pour un si pauvre résultat ! Ce comportement étrange intéresse un consommateur qui se présente comme étant le docteur Zacharie Regencrantz, juif allemand en attente d'un visa pour l'Amérique et qui se dit spécialisé dans l'étude des comportements. [...]
[...] En sa chienne de vie, M. de Boisrosé avait poussé de nombreux soupirs ; seul le dernier fut entendu (54). Sa femme, prénommée Bonne, que ses filles appellent Mamicha, est une créole de quarante huit ans qui passe le plus clair de ses jours dans son lit, à faire des patiences, entourée de ses trois filles qui la dorlotent dans un bonheur collectif, hermétique et pneumatique où le monde extérieur n'a pas place. Même Angélique, qui est mariée, rejoint la tribu tous les matins dès que son mari part travailler, retournant à sa matrice jusqu'au coucher C'est elle qui s'occupe du ménage quand Fromentine fait la cuisine et Hedwige les comptes. [...]
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