La lecture de l'espace parisien. C'est principalement sous cet angle que la critique a étudié la nouvelle de Balzac intitulée "Ferragus". Rien d'étonnant d'ailleurs puisque le nom de Paris apparaît ici plus que dans tous les autres récits balzaciens. Or dans cette nouvelle que l'on a coutume de qualifier de roman noir ou du moins de roman-feuilleton, la critique traditionnelle s'est attachée à mettre en avant l'aspect fantastique de Paris. Pourtant, le qualificatif semble discutable, car le récit ne fait pas partie des nouvelles fantastiques, comme l'époque a pu en connaître, mais il emprunte plutôt à des catégories voisines comme la fantaisie, la fantasmagorie ou bien encore le merveilleux. Ce qui coïncide parfaitement avec l'analyse de Baudelaire dans son Salon de 1846 : « La vie parisienne est féconde en sujets poétiques et merveilleux. Le merveilleux nous enveloppe et nous abreuve comme l'atmosphère ; mais nous ne le voyons pas ». L'éclairage baudelairien permet de légitimer une réflexion sur la dimension poétique de l'espace parisien dans la mesure où il dégage une parenté entre la catégorie du merveilleux et la poésie, que cette dernière soit entendue en terme générique ou en terme de tonalité. Roman bouillonnant de rebondissements, fourmillant d'intrigues, plus ou moins vraisemblables d'ailleurs, Ferragus accueillerait donc, et bien que cela puisse, de prime abord, paraître incongru, une certaine forme de poésie.
Alliance éminemment paradoxale entre une thématique – le décor urbain moderne de la capitale – et une écriture, qui fait de Paris un espace poétique. Alliance qui déjoue aussi toutes les attentes puisque, dans les débuts du romantisme, l'écriture poétique était réservée à l'évocation de paysages, souvent idylliques, alors que les affres et la noirceur de la vie parisienne étaient dépeintes dans les romans (feuilletons ?). Aussi conviendra-t-il de se demander comment le locus terribilis parisien peut-il être source de ravissement et devenir une création poétique. Autrement dit, on se demandera dans quelle mesure Paris, ou plus exactement l'architecture et la rythmique parisiennes, distillent une poésie dans le récit, voire font de Ferragus un « récit poétique » au sens où il a été défini par Jean-Yves Tadié.
Occupant une place tentaculaire dans le récit et conférant à ce dernier une dimension mythique, le décor urbain devient agent de la fiction et accède au rang de personnage. Cette prédominance de la ville est permise par la thématique de la flânerie, thématique qui influe sur la pratique romanesque : de l'écriture de la flânerie à la flânerie de l'écriture. Or les déviances morales suscitées par la flânerie vont de pair avec une poétique de la dissonance : Ferragus, « monstrueuse merveille » ?
[...] Du début vagabond à une esthétique de la variation : Ferragus, récit poétique ? De la flânerie au vagabondage : rêverie sur les rues et théorie du flâneur-artiste Une composition en forme de variation Ferragus, suite de poèmes en prose ou récit poétique ? L'esthétique du fragment III. La monstrueuse merveille 1. Déréalisation, fantasmagorie nocturne ou l'esthétisation de la laideur morale Déréalisation de l'espace : du fantastique à la fantasmagorie La bizarrerie des contrastes comme esthétisation de la laideur de la vie parisienne 2. [...]
[...] La vi(ll)e moderne dessine une nouvelle forme de beauté, plus furtive, plus énigmatique et redonne consistance au poncif de la rencontre en introduisant la possibilité d'une rencontre avortée ou du moins déceptive. Les héros ne sont plus maîtres de leur destin mais sont, au contraire, tributaires des hasards de la grande ville. Se trouve ainsi instaurée une érotique urbaine balzacienne nouvelle, plus dense, plus transgressive aussi. Les types parisiens et le ton de la chronique Après les lieux symboliques vient le tour des types parisiens Le texte est parsemé de croquis : mendiant, grisette, employé aux morts, fonctionnaire, ils sont tous là ces personnages secondaires qui résument Paris. [...]
[...] Du début vagabond à une esthétique de la variation : Ferragus, récit poétique ? La poésie de Paris dont parle Pierre Citron confère certes à l'œuvre de Balzac une dimension poétique, ou tout du moins, mythique[22]. Cela signifie-t-il pour autant que Ferragus doive être qualifié d'œuvre poétique ? Nous essayerons de voir, à partir de l'étude de la répercussion de la thématique de la flânerie sur l'esthétique et la composition de la nouvelle, dans quelle mesure l'œuvre relève de la catégorie, pensée par Jean-Yves Tadié, du récit poétique A moins qu'elle ne soit un assemblage discontinu de petits poèmes en prose De la flânerie au vagabondage : rêverie sur les rues et théorie du flâneur- artiste Dans son article sur le flâneur balzacien, Pierre Loubier conclut sur la dimension allégorique de cette figure romanesque. [...]
[...] Des rues boueuses au cabajoutis : la description poétique d'un décor urbain sordide Porches humides, rues sombres et mal famées, maisons sordides, cabajoutis délabrés : les représentations métonymiques de la ville sont placées sous le signe du sordide. Un sordide aussi bien visuel que moral. Paris, ville malsaine, ville maudite. Pourtant, dès lors que l'on regarde la composition de ces tableaux parisiens qu'on les appelle des microséquences ou, si l'on préfère, des fragments, force est de constater une métamorphose, par l'écriture, de l'objet décrit. [...]
[...] Or les déviances morales suscitées par la flânerie vont de pair avec une poétique de la dissonance : Ferragus, monstrueuse merveille ? I. Le personnage de Paris ou la création d'une mythologie moderne Comment faire de la grande ville un objet poétique ? Dans son ouvrage intitulé Le Récit poétique, Jean-Yves Tadié étudie les différents ingrédients du récit poétique et montre comment l'espace peut envahir le discours à tel point qu'il accède au statut d'« agent de la fiction[3] voire même au rang de personnage. [...]
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