Pantagruel, publié en 1532, a été écrit par François Rabelais. Humour, langue d'une richesse jamais égalée, délire d'imagination… Rabelais a mis tout son talent au service du rire et de l'ouverture d'esprit. Par le rire et cette ouverture, le texte manifeste un sens énigmatique.
En 1628, Charles Sorel écrit dans Le Berger Extravagant: « Pour Rabelais, il n'est rempli que de sots contes, qui sont si monstrueux qu'un homme de bon jugement ne saurait avoir la patience de lire tout. Quand cela serait, je serais d'avis qu'il eût fait une clé pour son livre, afin que la postérité y entendît quelque chose. »
Charles Sorel indique que l'œuvre de Rabelais est intéressante à lire mais qu'elle peut apparaître comme inepte tant que l'on n'a aucune direction significative.
D'abord, nous étudierons en quoi le Pantagruel est un sot conte. Ensuite, nous nous intéresserons à la question de la clé de l'œuvre et enfin nous verrons que le sens n'a pas une réelle importance, eu égard à une telle écriture.
[...] Dans cette première partie, nous allons développer en quoi l'œuvre de Rabelais est-elle un sot conte. À première lecture, le texte apparaît au lecteur avec une esthétique monstrueuse. Tout d'abord, le premier texte édité ne comportait aucune ponctuation. Le texte, que nous avons en notre possession, est modernisé. La lecture est donc facilitée. L'esthétique monstrueuse est démontrée par le réalisme grotesque. Selon Bakhtine, Rabelais utilise le motif carnavalesque d'où sa conception esthétique particulière. Rabelais décrit des difformités grotesques qui frappent uniquement certaines parties du corps : par exemple, dans le chapitre IV, Pantagruel est représenté par sa bouche, tous les exploits sont exposés grâce aux verbes : téter, avaler, déchiqueter, la bouche de Pantagruel est donc grande ouverte, la langue tirée. [...]
[...] Rabelais s'est efforcé de révéler aux lecteurs soigneux peut-être la solution du mystère tant il est vrai que ce qu'on voile attire parfois l'œil et la pensée En tous les cas, ce retranchement infligé au Pantagruel ne prend un sens qu'à la lumière du prologue de Gargantua qu'il éclaire à son tour d'un nouveau jour. [...]
[...] En effet pour qui les ignore, le langage humain n'est plus qu'un baragouin risible. L'ouvrage peut légitimement apparaître comme une succession d'histoires drôles, de bons mots ou de portraits, le tout en ordre dispersé, sur un canevas rapide. La lâcheté des liens entre les épisodes, leur faible cohérence a suscité l'hypothèse d'une composition en plusieurs temps : le Pantagruel serait une rhapsodie de conte divers, écrit à des époques différentes et rassemblées au petit bonheur pour une publication peut soigner. [...]
[...] Grâce à cela, Rabelais crée un univers par le langage. Le grand art de Rabelais, c'est retrouver tout cet inconnu, de la langue de l'autre : Panurge parle plusieurs langues, et du savoir impossible du monde : Alcofribas Nasier descend dans le corps de Pantagruel, dans le la farce qu'il nous produit : le langage sans cesse mime le récit pour mettre en théâtre le sens, le rendre visible plutôt que s'en appuyer comme d'une référence, ce qui lui permet de faire coup double, en interrogeant le sens lui-même, et l'envoyant à la force sonore des mots cogner ces frictions du monde, notamment le corps et la guerre. [...]
[...] Nous pouvons alors nous demander pourquoi ce jugement. Le jugement vient certainement de l'inspiration populaire qui a posé des problèmes de réception en 1532. Plus particulièrement parce que le public lettré a trouvé en Pantagruel une incompréhension et une froideur. Le Pantagruel de Rabelais comme l'indique la culture populaire, est destiné aux peuples. En 1628, Charles Sorel ne pouvait pas forcément comprendre le texte, tout comme les lecteurs d'aujourd'hui, puisque la clé de Rabelais s'est peut- être perdue dans le temps. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture