L'outrance baroque réintroduite par Pierre Corneille dans l'Illusion comique en 1635 s'exprime dans la dimension autoréflexive de la pièce. Cette mise en scène d'une forme de spectacle à l'intérieur même de la pièce participe à l'élaboration d'un pacte théâtral. Par « pacte théâtral », nous entendons que l'auteur formule les conditions matérielles du théâtre (temps et lieu des représentations), de même que les règles de conduite auxquelles doivent se conformer les spectateurs.
Par le biais d'Alcandre, de Pridamant et de Dorante, le pacte théâtral est énoncé dès le premier acte. Les conditions du pacte sont ensuite mises en pratique, la mise en abyme du théâtre se percevant dans la caractérisation des personnages d'Alcandre et de Clindor, de même que dans le décor de l'illusion et par le biais de l'utilisation d'un double langage. Les exigences formulées au premier acte ayant toutes été respectées, les personnages et les spectateurs reçoivent, en quelque sorte, leur récompense : la revalorisation du théâtre.
[...] Si le personnage du magicien est assimilable à la fonction de chef de troupe, Clindor figure pour sa part l'acteur par excellence. Ainsi, d'entrée de jeu, Alcandre explique que «pour gagner Paris il vendit par la plaine / Des brevets à chasser la fièvre et la migraine, / Dit la bonne aventure, et s'y rendit ainsi[13]». Comme l'acteur, le jeune homme est capable d'endosser une multitude de rôles, une myriade de visages. Dans un clin d'œil au rebondissement final, le magicien insiste une dernière fois sur cette polymorphie de Clindor : «Enfin jamais Buscon, Lazarille de Tormes, / Sayavèdre et Gusman ne prirent tant de formes[14]». [...]
[...] Le magicien est présenté comme un homme au dessus des autres. Ainsi, Dorante explique à Pridamant qu'il ne doit pas traiter Alcandre en homme du commun, / Ce qu'il sait en son art n'est connu de pas Il continue, le qualifiant de «Grand Démon du savoir de qui les doctes veilles / Produisent chaque jour de nouvelles merveilles[9]». Ainsi, le personnage du magicien peut être vu comme une métaphore du chef de la troupe de théâtre[10], les deux étant en charge de la production d'images merveilleuses. [...]
[...] Les acteurs étant considérés comme immoraux, on peut se demander où ils peuvent trouver l'honneur que leur octroie Alcandre. Dans le même ordre d'idées, il apparaît sensé de voir en l'Illusion comique un manifeste de l'art théâtral, un organe de propagande visant autant à théoriser les conditions matérielles des représentations théâtrales que tentant de rehausser la valeur du théâtre dans l'estime des contemporains de l'auteur Une réflexion sur le théâtre La mise en abyme du théâtre présentée dans l'illusion comique anime, chez le spectateur, une réflexion sur l'illusion théâtrale en particulier, sur le principe de l'illusion en général, sur le théâtre du monde enfin, et sur la difficulté qu'il y a à faire la part du rêve et du réel, de la croyance et de la vérité[26]». [...]
[...] Le pacte théâtral dans l'Illusion comique de Pierre Corneille Introduction L'outrance baroque réintroduite par Pierre Corneille dans l'Illusion comique en 1635 s'exprime dans la dimension autoréflexive de la pièce. Cette mise en scène d'une forme de spectacle à l'intérieur même de la pièce participe à l'élaboration d'un pacte théâtral. Par «pacte théâtral», nous entendons que l'auteur formule les conditions matérielles du théâtre (temps et lieu des représentations), de même que les règles de conduite auxquelles doivent se conformer les spectateurs. [...]
[...] Le théâtre était en quelque sorte le prolongement de la cour et des salons. Par conséquent, les spectateurs du XVIIe siècle «étaient fort bruyants et turbulents, n'hésitant pas à rire bruyamment ou à railler des comédiens ou des spectateurs, pouvant même aller jusqu'à la bagarre et ainsi interrompre la représentation[5]». On peut donc légitimement penser que Corneille tenta d'instaurer quelques règles de bienséance afin que les conditions de représentation s'améliorent Un lieu clos Dans le même ordre d'idées, Alcandre décrète une règle primordiale : Quoi qui s'offre à vos yeux n'en ayez point d'effroi. [...]
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