Tragédie moderne, Madame de Duras, Ourika, philosophe moraliste, aristocratie parisienne
En 1823, Madame de Duras publie Ourika, une œuvre dans laquelle elle met en scène une jeune africaine, personnage éponyme, rapportée de son pays et éduquée dans le milieu aristocratique parisien du 18ème siècle. Dans ce passage, Ourika prend conscience de son statut d'étrangère dans une société cloisonnée et racialisante.
Madame de Duras exploite ici une intertextualité riche et signifiante, à travers un enchevêtrement d'allusions littéraires qu'il nous faudra démêler. Oscillant entre classicisme et modernité, Ourika revêt plusieurs masques, de la tragédienne grecque à la philosophe moraliste, en passant par la Galatée mythologique.
Ainsi, nous verrons comment, par un habile tissage intertextuel, Madame de Duras parvient à ériger Ourika en héroïne de tragédie moderne. En effet, si Ourika porte à merveille le costume de tragédienne classique, ce passage nous révèle un personnage plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord.
[...] Ourika s'adresse bien à un public, et use de tous les ressorts pour cela. Le pathos ainsi porté à son climax, créé une forme d'empathie chez le lecteur : chez Ourika, la prise de parole est bien celle d'une tragédienne. Les codes de la tragédie grecque se signalent à travers la prise de parole d'Ourika, mais également par les thèmes abordés dans le passage. En effet, Ourika souffre des stigmates de l'héroïne tragique : en proie à un amour impossible, rongée par la solitude et le désespoir, elle est impuissante face à un destin dont l'annonce de la fin tragique abonde dans ce passage. [...]
[...] Comme une Galatée Noire, son statut d'«enfant déshérité (l.50), exilé, apparaît sans issue : Ourika est une étrangère dans cette société, mais également étrangère à son pays natal dans lequel elle n'a jamais vécu. Ourika reste inconsolable dans une inéluctable solitude : Ourika n'avait qu'eux dans la vie ; mais eux n'avaient pas besoin d'Ourika : personne n'avait besoin d'elle ! l 20. Cette construction en chiasme souligne l'aspect tragique de la situation d'Ourika. Elle n'existe pas à part entière dans cette société : Elle est une étrangère, au monde comme à elle-même. [...]
[...] Madame de Duras joue et s'inspire ici des codes de la tragédie grecque. Le triste sort de la pauvre Ourika est mis en lumière : victime d'une fatale destinée, exilée dans un monde injuste, elle oscille entre cruauté et dévouement sublime. Afin de souligner l'intensité des tourments de l'âme désespérée d'Ourika, Madame de Duras utilise tous les ressorts du registre pathétique et dramatique, mettant ainsi en exergue l'aspect tragique de notre héroïne. Le moi sensible et révolté d'Ourika éclate sous la forme de longues tirades mélodramatiques, placées sous le signe du pathos. [...]
[...] Or selon lui, seule la raison peut doter l'homme du statut d'être libre, et autonome. Ainsi, la passion est ce qui annihile la raison, mais aussi l'action. Elle est aliénante. En effet, étymologiquement, la passion venant du latin passio signifie la passivité. Elle s'oppose à actio . L'individu en proie aux passions est donc celui qui subit, qui pâtit,ou qui souffre. Ainsi, le corps est lié à l'âme : c'est bien le triste état de [s]on âme qui influe sur le délabrement du corps d'Ourika. [...]
[...] Ainsi, Ourika n'existe qu'en dehors d'elle-même, dans le fantasme d'une vie qui ressemble à une mort. En outre, par cet énalage du pronom personnel, Ourika fait apparaître la répétition de son prénom. Cette répétition du prénom pourrait être lu comme un signal névrotique du trouble de l'identité. On peut y voir en filigrane comme une incantation à la question qui suis-je ? qui résonnerais en écho à travers tout le texte. Par ailleurs, à la ligne 21, l'évocation de «cet affreux sentiment de l'inutilité de l'existence, [qui] est celui qui déchire le plus profondément le cœur semble être un écho au vide existentiel décrit par Pascal dans ses Pensées. [...]
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