Après une gestation de plus de vingt ans, l'œuvre de Louis-René des Forêts, "Ostinato", est reconnue lors de sa parution en février 1997. Tant il pose de questions, l'ouvrage s'avère fort intéressant. Si l'écriture n'est qu'un assemblage de fragments, de formes brèves, c'est parce que l'auteur se refuse, non sans raison, à nous proposer un parcours.
"Ostinato" est le récit de la traversée d'une vie. Nous allons principalement nous attarder sur la période de l'adolescence, bien illustrée dans l'œuvre. L'adolescent a un réel potentiel, mais afin de conserver ce « tout possible », il décide de ne rien exploiter. Dans cette période d'incertitude et de solitude, le jeune est tourmenté ; il s'interroge sur le sens de sa vie. Il est à la recherche de son identité sociale, professionnelle et sexuelle.
Chaque œuvre est l'espoir difficile d'une quête de soi, en constante mutation. Ce que Des Forêts nous fait voir ce n'est pas l'exposition de la vérité, mais l'expression d'un être qui s'acharne à reconstituer sa vérité. "Ostinato" est fait de formes brèves allant d'une ligne à trois pages. Ce sont des énoncés autobiographiques, des méditations, des aphorismes. La disposition fragmentaire de l'œuvre la rend sans fin. L'autobiographie se dit à la troisième personne, comme si c'était un autre qui racontait l'histoire.
"Ostinato" est le récit de la traversée d'une vie : il commence par le récit d'une enfance pour ensuite traverser le moment qu'est l'adolescence en évoquant la mort d'une mère. Vient ensuite l'épisode de la guerre et le récit se termine sur la vie des jeunes mariés jusqu'à la mort. L'avertissement de l'éditeur (soi-disant) au tout début prévient que l'œuvre est discontinue, provisoire et inachevée.
[...] Mais cette œuvre s'inscrit dans le logique de ne pas tout dire Des Forêts ne révèle que les moments forts sans les relier par des éléments moins importants de la vie. Ostinato n'obéit pas du tout au mouvement et au jeu du souvenir. Ce sont les surgissements au présent qui président dans le texte. Les trois éléments qui donnent la clé de celui- ci sont : l'écriture au présent de l'indicatif, la troisième personne et la forme discontinue et fragmentaire. Le présent se retrouve dans le temps utilisé mais une distance avec ce présent se crée dans l'utilisation de la troisième personne. [...]
[...] Cette tension est partout perceptible, elle est le moteur de l'écriture, car ce conflit résulte du maintien obstiné d'une exigence éthique, que l'écrivain doit dire et redire. Calculer l'incalculable Ostinato semble s'inscrire dans un certain paradoxe. En effet, en ignorant l'enjeu et en s'abandonnant tout entier au hasard, Louis-René des Forêts s'oppose à tout projet. Mais par ailleurs, l'oeuvre, en un sens, va projeter de façon surprenante l'inprojectable. Ce sont les dernières sections d'Ostinato qui vont interroger cette contradiction. L'écriture, qui paraît inachevable, se tourne à chaque instant un peu plus vers l'issue tant attendue qu'est la mort. [...]
[...] Ceux-ci entretiennent des rapports de thèmes : la petite enfance, le pensionnat, la mère, la guerre, la mort de l'ami fusillé, la mort accidentelle de la fille adorée, l'écriture. Donc, si le blanc représente une rupture, il représente aussi l'espace où se nouent des liens implicites, où s'affirme une continuité, mais ambigus. Le vide a donc un sens, il s'architecture. Il survient à intervalles presque réguliers. Comme l'Ostinato de la composition musicale, il devient figure rythmique, se répétant obstinément. Le rythme du blanc semble ce qui subsiste d'une expérience oubliée. [...]
[...] Pudeur d'Ostinato Dans sa critique d'Ostinato, Rabaté parle de l'ambiance pudique qui règne à travers tout le récit. En effet, l'auteur parle de lui à la troisième personne, comme s'il voulait s'effacer, s'extérioriser par rapport à son individualité. Cette mise à distance est appliquée également aux autres personnages du livre, ce qui fait donc que celui-ci ne contient aucun nom propre. Rabaté justifie cela en expliquant que l'intention de l'auteur, en écrivant, n'était probablement pas de livrer les événements bruts, chronologiques et de manière anecdotique, mais bien de transmettre une impression générale qu'il a ressentie en les traversant, tout au long de sa vie. [...]
[...] En 1940, c'est au tour de son père de mourir. Il est mobilisé en 1939 et revient chez lui en 1940, il s'engage alors dans la Résistance. Ses débuts littéraires datent de l'Occupation : entre 1941 et 1943, il écrit Les Mendiants suivi en 1946 du Bavard ».Entre temps, deux personnes qui lui sont chères disparaissent, la première est son frère qui meurt au combat en 1946 et la seconde est son ami Jean de Frotté qui a été déporté et fusillé par les nazis à l'âge de 26 ans. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture