L'œuvre inachevée La Nouvelle Atlantide (New Atlantis), composée par le philosophe Francis Bacon aux alentours de 1621, traduite en latin et publiée pour la première fois sous cette forme de façon posthume en 1627, peut être assimilée à un roman utopique. Le mythe de l'Atlantide prend sa source chez Platon qui évoquait dans le Timée et le Critias, une terre engloutie par les eaux, victime d'un cataclysme provoqué par les dieux en colère. Dès lors, un topos littéraire a vu le jour autour du continent disparu. A l'époque de Bacon, le public apprécie les chroniques de voyages. La Nouvelle Atlantide donne à lire l'aventure de marins en détresse, pleins de fois et d'espérance, arrivant un peu au hasard sur une île perdue au milieu des mers du Sud.
De plus, l'écriture de ce texte hybride coïncide avec la prise de conscience par l'Angleterre de sa vocation maritime. Pour Bacon, les voyages de grandes découvertes se posent comme modèle d'une conception de la connaissance comme un processus ouvert. Pourquoi n'en est-il pas de même pour les découvertes scientifiques ? Durant toute son existence, l'auteur exhorte la Couronne d'Angleterre d'entreprendre une réforme des savoirs et des institutions (notamment des universités). Un détournement habile de la prophétie de Daniel," Multi pertransibunt et multiplex erit scientia", demeure emblématique de la philosophie de Bacon et peut éclairer notre lecture de La Nouvelle Atlantide: " Nombreux seront ceux qui navigueront plus loin et la science augmentera".
[...] Grâce à la fiction et à l'imagination foisonnante de l'auteur, le rêve devient crédible : celui d'une société engagée dans une entreprise collective qui serait la découverte scientifique par tous les moyens. Les merveilles de Bensalem donnent à voir la science assumée par toute une communauté. Le lecteur, comme les marins européens demeurent bien stupéfaits d'entendre des choses aussi étranges racontées de façon aussi vraisemblables La prophétie du chancelier d'Angleterre comme le dit Descartes, celle prétendant que le voyage sert à augmenter la science n'a jamais été aussi vraisemblable et mise en pratique qu'à notre époque. [...]
[...] Sans doute avait-il raison de croire en la science puisque certains d'entre eux (ou presque) à notre époque : Prolonger la vie amoindrir la douleur fabriquer pour la terre des composts riches produire des aliments nouveaux etc. La Nouvelle Atlantide nous présente un essai de réalisation des idées avancées par Bacon dans l'Instaurio Magna La Grande Restauration des Sciences Elle rentre dans le groupe des œuvres à caractère utopique à l'image de l'Utopie de Thomas More. Cependant, le voyage utopique conté par Bacon, la découverte merveilleuse de l'île de Bensalem et de ses mœurs irréprochables laissent peu à peu la place à un discours crédible sur les sciences. [...]
[...] De plus, la longue énumération à laquelle s'adonne le Père de la Maison de Salomon illustre parfaitement la profusion des savoirs de cet Institut et tend à impressionner les visiteurs. L'anaphore de l'expression nous avons prouve que les savants et de façon plus générale les Bensalémites sont un peuple pérenne. Bacon annonce à travers cet épisode des vérités scientifiques. Une des démarches consisterait alors à torturer la nature pour la forcer à prendre tous les visages. Les marins européens et chaque lecteur du récit vivent alors, au-delà de l'expérience morale, une expérience scientifique. [...]
[...] Par certains aspects, La Nouvelle Atlantide se pose comme une utopie narrative. Le récit nous est conté à la première personne du pluriel nous et la découverte de l'île se fait à partir du regard d'un des marins (innommé). Les marins européens faisant route sur les mers du Sud en direction de la Chine et du Japon, se trouvent mis en difficulté par des vents contraires, au beau milieu de la plus grande désolation marine qui soit au monde Par la perte de repères (vents, brouillard), le récit exploite la frontière du connu et de l'inconnu. [...]
[...] Une société vouée à la science : La Maison de Salomon Avec sa fable La Nouvelle Atlantide, Bacon réalise son rêve, celui d'une société par et pour la science. Il tente d'expliquer à travers son récit ce qu'une société doit faire pour que des savoirs se développent. Le philosophe nous donne à lire les mœurs louables de Bensalem mais nous fait avant tout découvrir les merveilles de la Maison de Salomon à travers un long dialogue entre un marin et le Père de l'institut. [...]
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