Serge Halimi, "Les nouveaux chiens de garde"

Résumé du document

Serge Halimi est un universitaire français spécialiste des Etats-Unis ; il a été docteur en sciences politiques à Berkeley, et professeur à Paris VIII. Aujourd'hui directeur de la rédaction du Monde diplomatique pour lequel il est journaliste depuis 1992, il s'est surtout fait connaître en 1997 grâce au livre que nous allons étudier, Les nouveaux chiens de garde. Véritable succès en librairie avec 147 000 exemplaires vendus, préfacé par Pierre Bourdieu, il a été actualisé et réédité en 2005 (...)

Extraits

[...] En effet, à cette occasion on a assisté à une sorte d'Union sacrée entre la presse et la classe politique pour permettre la victoire du oui Faisant preuve d'un mépris total à l'égard des principes démocratiques, les éditorialistes ont quasi-unanimement résumé cette campagne à un combat entre la haine et la raison : la haine maladive d'un peuple envers ses élites, contre la rationalité naturelle de celles-ci. Et les urnes sont justement venues sanctionner cette arrogance de la classe dirigeante alliée aux médias. La deuxième partie de l'essai a pour objet de montrer l'immense pouvoir des grands groupes de presse et des familles qui les contrôlent. L'auteur rappelle ainsi à plusieurs reprises que les groupes Lagardère et Dassault contrôlent à eux-seuls 70% des titres édités en France. [...]

[...] Pour Serge Halimi, cet argument ne tient pas. En effet il considère que si la prégnance du pouvoir politique sur les organes de presse n'est plus légalement organisée, elle continue de se manifester sous de nombreuses formes. L'auteur donne de multiples exemples de cette forme moderne du contrôle de la presse par le pouvoir. L'un des plus connus et marquant est celui du cancer de François Mitterrand, qui n'a été révélé au grand public qu'à la fin des deux septennats du président. [...]

[...] Evidemment, l'influence des hommes politiques est également en cause dans cette dénonciation des grands groupes de presse. Et le cas de Nicolas Sarkozy, qui ne se cache pas d'entretenir de profonds liens amicaux avec tous les grands industriels de la presse comme Vincent Bolloré ou Arnaud Lagardère, n'est que le dernier et le plus manifeste d'une longue série d'ententes et de collusions entre les décideurs politiques et ceux qui contrôlent l'information. La suite de l'ouvrage prend des aspects bien plus idéologiques. [...]

[...] La grand-messe du 20 heures, comme on se plait souvent à qualifier les journaux télévisés du début de soirée, en prend par exemple pour son grade lorsque l'auteur rappelle que la présentatrice du week-end sur la première chaine d'Europe qu'est TF1, Claire Chazal, est une amie d'enfance du ministre de la Culture d'alors, Renaud Donnedieu de Vabre, qu'elle s'est fait remettre la légion d'Honneur par celui-ci, ou encore que des personnalités aussi politiquement variées que Nicolas Sarkozy, Martine Aubry ou Jack Lang ont assisté à son mariage en 2004 avec Xavier Couture, autre figure emblématique de TF1. Quant au deuxième JT de 20 heures le plus regardé de France, celui de France il est alors présenté par Béatrice Schönberg, mariée à Jean Louis-Borloo, ministre de l'Emploi de ce même gouvernement Raffarin. Serge Halimi cite l'explication de cette connivence entre médias et politique formulée par David Pujadas, lui-aussi présentateur du JT de France 2. [...]

[...] Les exemples ne manquent pas, même si deux figures se dégagent dans ce pamphlet. Ainsi Alain Minc et Bernard Henri Levy sont les deux exemples emblématiques d'un réseau d'écrivains-journalistes qui se congratulent mutuellement au sein de critiques dithyrambiques dès lors que l'un deux sort un nouveau livre. BHL pourrait publier ses dessins d'enfant ou une compilation de ses notes de blanchisseur que l'exaltation dans les critiques ne serait pas moindre. Tous travaillent les uns avec les autres, mais surtout les uns pour les autres Face à ces médias de plus en plus concentrés et ce monde de connivence au sein duquel la qualité de l'information se dégrade continuellement, Serge Halimi conclut sur une note d'espoir. [...]