L'OUVRAGE
Dans le roman Nous autres, la société est entièrement tournée vers la préservation et le progrès de l'État unique soit de la société elle-même. Depuis l'abolition de la liberté, le monde vit dans le bonheur parfait et réconfortant d'une existence réglée heure par heure. Les hommes ne sont plus que des numéros et peuvent désormais apprécier la belle organisation d'une société entièrement rationnelle où la logique mathématique fait office de fondement moral. Il ne reste encore qu'une petite entrave qui pourrait gêner cette absolue perfection de l'Etat Unique, c'est l'imagination, qui peut détourner certains numéros de leur devoir. Heureusement, dans cette civilisation de verre où tout le monde peut observer tout le monde, les Gardiens veillent à éliminer pour leur bien les éventuels réfractaires à cet ordre merveilleux. Ce livre illustre une lutte entre une société holiste et la tendance contemporaine de l'homme vers l'individualisme.
Le héros est l'ingénieur D-503, lequel construit au XXVIe siècle une machine destinée à soumettre l'univers au pouvoir de l'état unique dirigé par le Bienfaiteur. Son travail consiste en la fabrication de « l'Intégrale » destiné à convertir les civilisations extraterrestres au bonheur, que l'État Unique prétend avoir découvert. L'histoire nous est racontée au travers du journal de D-503, qui écrit aux hommes du passé, car il sait que dans le futur jamais personne ne pourra le lire. D-503 s'éprend d'I-330, une jeune femme souffrant d'imagination, et s'engage à ses côtés dans la lutte qui l'oppose au bonheur totalitaire. Tout le roman est tourné vers cette lutte intérieure entre la passion et la raison. (...)
[...] ) si la liberté de l'homme est nulle, il ne commet pas de crime. Le seul moyen de délivrer l'homme du crime, c'est de le délivrer de la liberté. Pourtant cette absence de liberté ne trouble aucunement la masse des numéros conditionnés par le discours de l'Etat suprême. Pourquoi la danse est-elle belle ? Parce que c'est un mouvement contraint, parce que le sens profond de la danse réside justement dans l'obéissance absolue et extatique, dans le manque idéal de liberté. [...]
[...] Zamiatine est un acteur majeur de la vie littéraire foisonnante des années vingt. Il collabore à de nombreuses revues, organise des conférences, publie, avec Gorki, les grands classiques de la littérature étrangère, enseigne la technique de la prose, inspire et anime le courant littéraire des Frères de Sérapion. Malgré les fonctions officielles que Zamiatine occupe dans la littérature soviétique, il ne cessera de fustiger l'asservissement au régime de certains écrivains prolétariens. Bolchevik de la première heure, Zamiatine est arrêté à l'issue de la révolution de 1905, incarcéré plusieurs mois dans la prison de la rue Chpalernaïa à Saint-Pétersbourg et assigné à résidence à Lebedian. [...]
[...] L'affaire Zamiatine-Pilniak-Ehrenbourg éclate dans la presse à l'été 1929. On reproche à ces auteurs de publier des œuvres antisoviétiques à l'étranger. Il s'agit, pour Zamiatine, du roman Nous autres dont les traductions anglaise et tchèque sont parues en 1924 et 1927 sans son consentement. Zamiatine démissionne de l'Association des écrivains, la publication de ses œuvres est suspendue, sa pièce La Puce est retirée de l'affiche. Zamiatine fait alors preuve d'une audace folle. Dans une lettre adressée à Staline, il dénonce la peine de mort littéraire à laquelle il est condamné, moque la docilité des écrivains prolétariens et demande l'autorisation de quitter la Russie sans perdre son passeport soviétique. [...]
[...] Province et Alatyr s'intéressent à la Russie du passé, Nous autres à celle du futur. Ce livre a été interdit par Staline. Il a inspiré Aldous Huxley et George Orwell ainsi qu'un opéra : 1.330 livret de Jean Goury, musique de Jacques Bondon créé en 1975 à l'Opéra de Nantes. Plusieurs thématiques sont récurrentes dans l'ouvrage. Trois aspects principaux caractérisent la dystopie de Zamiatine : sous prétexte de poursuivre comme unique objectif le bonheur de millions de numéros, l'Etat unique instaure un système politique collectiviste fondé uniquement sur la Raison, et en évacue l'idée d'individualité. [...]
[...] Ces derniers vivent par conséquent dans un climat de terreur et de suspicion car ils craignent constamment d'attirer l'attention sur eux et ont l'obligation de dénoncer au bureau des gardiens tous les comportements suspects. Ce bureau est autorisé à agir de manière prophylactique, afin de préserver l'ordre. Des exécutions publiques sont organisées pour que tous y assistent. Les opposants sont alors placés sous une Cloche Pneumatique remplie de gaz. Dans les dernières pages du livre, les citoyens sont même forcés à subir une opération chirurgicale, la Grande Opération, sorte de lobotomie, afin d'extirper le centre de l'imagination qui constitue l'ultime obstacle au bonheur rationnel. [...]
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