Ce glissement du « je » au « ça » contribue totalement ou presque à la déshumaniser. Elle nie ainsi son droit à exister, à être, jusqu'à ce qu'elle finisse par s'accepter comme être humain, comme femme, et comme écrivain. Et que commence enfin son autobiographie à la première personne.
L'histoire de cette vie est un roman initiatique qui mène l'héroïne principale à l'acceptation de soi et à l'amour rédempteur. Mais avant cela, elle doit passer par les épreuves de tous ces voyages. Par l'adaptation à tous ces pays dans lesquels elle a dû vivre étant enfant.
L'existence de la petite Amélie et sa construction personnelle se forgent petit à petit au fil de ses différents lieux de vie. Elles s'édifient sur autant de petites morts auxquelles correspond chaque départ vers la prochaine destination. Quand elle part, elle sait qu'elle ne reviendra pas (...)
[...] On la photographie une fois dans l'année le jour de la procession. Mais le jour de son douzième anniversaire, elle perdait son statut de divinité et était soudain priée d'aller se faire pendre ailleurs. On relâchait dans la nature une fillette obèse, incapable de se servir de ses jambes et dont la famille avait perdu le souvenir. Personne ne semblait se soucier du devenir de cette nouvelle humaine. p.200 Cette croyance, qui marque à 12 ans la mort de l'enfant, est bien entendu à rapprocher de la mythologie personnelle de la narratrice. [...]
[...] Selon la règle sinusoïdale du roman qui veut qu'après un pays paradisiaque (Japon, Etats-Unis) succède une antichambre de l'enfer (Chine, Bengladesh), le nouveau lieu de résidence des Nothomb est un pays sublime : Pagan, l'ancienne cité des temples était tout simplement le lieu le plus sublime de cette planète p Mais Amélie ne peut plus aimer la beauté. Elle ne veut plus aimer la vie. Elle grandit, devient une femme. Comme elle n'est plus une enfant, elle n'est plus en osmose avec la nature qui l'entoure. Au Japon, elle pouvait, étant dieu, répondre à la grandeur de la nature. [...]
[...] Heureusement Nishio-San rend à Amélie son regard enfantin. Et c'est elle qui permet tout à fait la conjuration du Jamais. Place alors aux larmes rédemptrices, l'eau redevient bienveillante. La fin est un happy end rêvé, digne des plus grandes comédies sentimentales hollywoodiennes. Dans ce pays où Amélie se retrouve en se réconciliant avec son enfance, elle se rend disponible à l'amour. En épousant son mari, elle acquiert une certaine épaisseur. Dans ses yeux à lui, elle n'est plus vide : elle est quintessencielle. [...]
[...] La langue qu'il parle est la nostalgie. Leur monnaie est le temps qui passe : ils sont incapables d'en mettre de côté et leur vie se dilapide en direction d'un gouffre qui s'appelle la mort et qui est la capitale de leur pays p Ce parcours initiatique donne à l'auteur la possibilité de nous offrir de magnifiques portraits de pays, des évocations poétiques du Japon, Eden de l'enfance ou de New York, la ville debout C'est selon moi, la grande qualité de ce roman. [...]
[...] p.22 Par faim, j'entends ce manque effroyable de l'être entier, ce vide tenaillant, cette aspiration non tant à l'utopique plénitude qu'à la simple réalité : là où il n'y a rien, j'implore qu'il y ait quelque chose p Ce glissement du je au ça contribue totalement ou presque à la déshumaniser. Elle nie ainsi son droit à exister, à être, jusqu'à ce qu'elle finisse par s'accepter comme être humain, comme femme, et comme écrivain. Et que commence enfin son autobiographie à la première personne. L'histoire de cette vie est un roman initiatique qui mène l'héroïne principale à l'acceptation de soi et à l'amour rédempteur. Mais avant cela, elle doit passer par les épreuves de tous ces voyages. [...]
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