Chez les fonctionnaires ("serviteurs du prince") allemands, l'antithèse prend au début des accents cosmopolites, pour s'ancrer résolument dans une opposition sociale et par un effet irrémédiable dans une opposition entre nations. La "culture" est une création, une volonté de l'intelligentsia bourgeoise. Il s'agit de construire à travers les arts, les faits intellectuels et religieux l'Allemagne, car rien ne se réalise sans se réaliser comme un être déterminé pouvons-nous rappeler, en raison du contexte d'une fraîche unification.
La notion de culture se forgera en allant à contresens de ce qui est afférent à la noblesse de cour. C'est une notion issue des couches moyennes, écartées de la vie politique et s'opposant aux errements de l'aristocratie, jugés affectés, factices et ridicules. Kant définit ces derniers comportements policés à satiété comme civilisés, donc se rapportant de fait à la civilisation. L'intelligentsia allemande s'oppose donc à ces bonnes manières superficielles dont l'essence et la suprême manifestation est la "courtoisie" : elle consiste à "faire croire à l'autre qu'on est disposé à le servir en toute circonstances de toutes ses forces (...) Ainsi, nous gagnons sa confiance qui, imperceptiblement, engendre la sympathie qui le poussera irrésistiblement à nous faire du bien" selon l'article du Zedlersche Universallexikon en 1736. En contre réaction, la kultur allemande prônera la vertu authentique à la courtoisie trompeuse. De même qu'elle exaltera l'intellectualisme à l'éducation strictement comportementale. L'Allemagne oppose dès lors la notion de "civilisation" pour désigner l'aristocratie et de l'autre côté celle de culture et de Bildung (correspond à un patrimoine social, artistique, éthique appartenant à un ensemble d'individus disposant d'une identité) afférente à la bourgeoisie.
Contre l'usage du français aristocratique dans les milieux nobles allemands (imitation de la cour de Versailles : représentée par Frédéric II qui pensait que l'allemand était une langue vulgaire manquant de souplesse) des intellectuels tels Goethe, Kant, Schiller, Herder, vont s'efforcer à construire une unité linguistique proprement germanique qui sera plus tard non détachable de la nation, de l' "esprit" du peuple allemand (...)
[...] Cette centralisation des penseurs créer une atmosphère intellectuelle riche et stimulante et apporte des effets de synergie, constitutifs à la civilisation. Une extrapolation de l'antithèse culture civilisation : glissement sémantique Ces deux termes vont de proche en proche marquer des clivages nationaux. Après la révolution : le concept de civilisation et ses dérivés perdent petit à petit leur connotation aristocratique allemande et évoquent plutôt la France et d'une manière plus générique, les puissances occidentales. Exemple de l'apparition de ce phénomène de la fin du XVIIIème : En 1797 le chanoine Meyer, citoyen d'Hambourg fait état dans ses Skizzen (esquisses) des termes civilisé et civilisation faisant clairement allusion aux français. [...]
[...] Le traité de civilité puérile a été écrit aux prémices de la renaissance, période historique qui commence en 1453 à la chute de Constantinople et se termine à la mort d'henry IV en 1610, et déjà au XVI ème siècle, la couche dirigeante infléchissait vers une utilisation moindre du mot courtoisie pour le remplacer par celui de civilité Ce terme comme ce livre correspondaient à une attente sociale, un besoin. La Renaissance est bel et bien un processus de transition, de renouveau, qui engage dans son sillage de nouvelles valeurs, normes et règles de conduites. Les cadres sociaux ne sont plus les mêmes, on reconnaît aux comportements une variation causale. [...]
[...] Il n'y a pas pour l'époque d'explications hygiénistes possible à donner par exemple pour l'usage du couvert, la science n'était pas assez avancée pour cela. Il n'y a pas d'explication rationnelle à donner à la civilisation des mœurs, cela se joue sur l'ordre du sentiment, de velléité de différentiation par la sensibilité agents moteurs de la civilisation: sentiments de gêne et/ ou marque de respect de la hiérarchie, volonté de se différentier des autres classes et de se maintenir dans un bon rang au sein même de la cour, seuil de pénibilité de certains us équivalent de la délicatesse La modification des sensibilités à table et dans la langue est un processus à étendre à étendre sur d'autres pans de la vie sociale. [...]
[...] Il y a un code distinctif du comportement qui se créer en réaction au développement et à la généralisation presque banalisante des pratiques aristocrates dans les couches populaires de la société (la bourgeoisie). En effet, il y a eu imitation avec adaptations et retouches par la bourgeoisie, la couche dirigeante dès lors lutte contre cette dévaluation qui leur ôte leur caractère distinctif et va pousser ce processus d'artificialité comportementale, allant parfois jusqu'à la préciosité. La modification des mœurs n'est pas qu'un effet de mode passager et versatile, il est un processus séculaire obéissant à certaines directions et lignes évolutives déterminées et s'exprime par un glissement du seuil du pénible et du honteux pour aboutir finalement au raffinement et à la civilisation La division du travail ou l'industrialisation si l'on extrapole au XVIIIème siècle a permis à la classe bourgeoise de s'enrichir, ils gagnent en importance dans les affaires du pays, leur niveau social s'élève mécaniquement, cela entraîne une plus grande promiscuité avec les aristocrates qui les accueillent dès lors à la cour. [...]
[...] Norbert Elias rappelle l'origine indéfinie du processus de civilisation, et surtout son ancienneté en évoquant une tradition médiévale inspirée de la sagacité de l'Antiquité : Ne te précipite pas goulûment sur la nourriture ! La civilité correspond à un autre degré de politesse, intégrant l'art et le don d'observer (ex : code vestimentaire, révélateur psychologique), ce qu'on appellera la Science du monde qui consiste vaguement à : bien connaître les hommes tels qu'ils sont en général et entrer ensuite dans la connaissance particulière de ceux avec qui nous avons à vivre, c'est-à- dire, de leurs inclinaisons et de leurs opinions bonnes et mauvaises, de leurs vertus et de leurs défauts. [...]
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