Mrs Dalloway, roman de V . Woolf paru en 1925, incarne à la perfection l'esthétique moderniste, symbole des nouvelles préoccupations romanesques du XX° siècle qui s'illustrent dans la psychologie des personnages et l'intime. Les répercussions sur l'intrigue et sur l'écriture en seront donc d'autant plus importantes. C'est ce que l'on va pouvoir analyser avec la fin du roman. En effet, il s'agit de l'excipit qui relate l'aboutissement final du livre, à savoir la fameuse réception tant attendue de Clarissa Dalloway. Ce moment fatidique qui fait se rassembler tous les personnages en un même lieu, est un moment propice pour faire converger les intériorités des différents protagonistes. Il sera intéressant de voir de quelle façon V.Woolf traitera justement cette fin.
Il s'agira de se demander comment elle réinvente les codes de l'excipit romanesque en réalisant un livre sans fin, moderne et ouvert à de nouvelles préoccupations.
[...] On doit assister normalement au dénouement et cette fin touche, en général, directement le héros). Étrangement, il n'est fait mention à aucun moment de Clarissa. La maîtresse de maison est totalement absente, ce qui n'est pas sans perturber le lecteur. Dans le texte, cette absence va générer une sorte de tension chez les personnages qui vont s'impatienter. Les personnages, tout comme le lecteur, ne peuvent s'empêcher de noter cette absence.C'est Peter qui en fait le constat le premier : «Une snob ? Oui, de bien des façons. [...]
[...] On peut remarquer toutes sortes d'expressions temporelles qui permettent de signifier que l'on est à la fin de la journée, cette fin de journée qui correspond à la fin de la réception. On peut noter, page 316, se faisait tard», «car il se faisait vraiment tard» (anaphore de l'expression plus gradation) au fur et à mesure que la nuit avançait, et que les gens partaient». Ici, on voit très bien le parallèle entre fin du jour et fin de réception. [...]
[...] Sally, toujours avec cette grande lucidité, s'interroge justement et le montre bien quand elle dit qu'en réalité, on croit connaître les gens et qu'en fait ce n'est pas le cas : admit -elle, elle ne savait rien d'eux, elle n'avait que des hypothèses, c'est toujours le cas, car que peut-on savoir des gens, même lorsqu'on partage leur vie quotidienne? Ne sommes nous tous pas prisonniers? On a l'idée ici que même dans intimité la plus étroite, l'identité de la personne même de notre propre conjoint nous échappe. On perçoit ici le côté dramatique des relations humaines. De plus, l'idée de «prisonniers» renforce ce que l'on avait dit auparavant sur cette idée d'un monde qui aliène les êtres qui sont incapables de se parler. [...]
[...] On peut noter en plus l'utilisation de la métaphore de la porte, avec tout le symbolisme qu'elle contient, puisqu'ici la porte symbolise l'entrée dans la vie intérieure des personnages ; ce qui peut perdre justement le lecteur. Celui- ci n'est pas guidé par un narrateur bienveillant qui l'aiderait à franchir ces portes. C'est au lecteur qu'il appartient de se débrouiller. On est donc loin ici de l'excipit traditionnel, qui met tout en oeuvre pour conclure son roman. Ceci est la première raison pour laquelle le lecteur se sentait un peu perdu à la lecture de cet étrange excipit. [...]
[...] Ce sont donc ces flux de consciences qui forment le réel fil conducteur du roman. Et c'est en cela que V.Woolf montre toute son originalité et son modernisme. Mais cette nouveauté n'est pas sans altérer la fiction qui se voit fortement mise à mal par l'écrivaine. Ainsi, cet excipit transgresse toutes les règles de l'excipit traditionnel en réalisant un livre qui laisse le lecteur sur sa fin . Bibliographie Paul Ricoeur, Temps et récit. Tome L'intrigue et le récit historique, Le Seuil, 1983. [...]
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