Les Mouches est la première pièce de théâtre de Jean-Paul Sartre – si l'on exclut Bariona, ou le Fils du tonnerre, drame d'inspiration religieuse écrite dans le camp de prisonniers en Allemagne – représentée pour la première fois en 1943.
C'est un « Drame en trois actes », ainsi qu'il est précisé au début de l'œuvre. Cette pièce reprend le mythe antique de la famille des Atrides, à laquelle Eschyle avait consacré une trilogie. Elle est plus précisément une adaptation de l'Orestie. Ainsi elle raconte le retour à Argos d'Oreste, le fils du roi Agamemnon et de la reine Clytemnestre, quinze ans après l'assassinat de ce dernier par Egisthe, devenu depuis le nouveau roi et l'amant de la reine. La sœur d'Oreste, Electre, est quant à elle devenue l'esclave du couple royal. Elle nourrit une haine tenace à leur égard, et attend le retour de son frère pour accomplir la vengeance. Oreste revient d'exil et tue ainsi Egisthe et Clytemnestre. Il est intéressant de noter que l'Electre de Jean Giraudoux, représentée pour la première fois en 1937, soit six ans avant Les Mouches, est également basée sur le mythe des Atrides.
[...] Son humanisme est exigeant puisque, si la liberté de l'homme réside en chacun d'entre nous, il n'existe pas de nature humaine et l'homme n'existe jamais une fois pour toutes. Comme le montre la réplique d'Oreste dans la scène 2 de l'Acte Je suis condamné à n'avoir d'autre loi que la mienne l'humanité n'est pas fondée sur des valeurs et chacun reste libre de nier ou d'inventer l'humain. [...]
[...] Il est intéressant de remarquer le message universaliste que délivre Sartre en pleine Seconde Guerre mondiale. En effet, si la liberté d'Oreste est individuelle, si son histoire, ses actes, ses attitudes lui appartiennent en propre, Sartre montre un comportement possible pour tout homme. Par conséquent, l'acte d'Oreste va plus loin que la vengeance d'un fils : il vise à instaurer un nouvel ordre, celui de l'homme. C'est donc une nouvelle conception de l'homme maître de ses choix, de sa vie, que nous offre ici Sartre. [...]
[...] À présent vous voilà jeune et beau, avisé comme un vieillard, affranchi de toutes les servitudes et de toutes les croyances, sans famille, sans patrie, sans religion, sans métier, libre pour tous les engagements et sachant qu'il ne faut jamais s'engager. Ainsi, pour le pédagogue défend une liberté de l'esprit qui refuse toute forme d'engagement. C'est cette philosophie de l'inaction telle que l'on pourrait l'appeler, que récuse Jean-Paul Sartre. C'est Oreste qui incarne la philosophie de Sartre : le jeune homme n'a au début de la pièce qu'une culture pétrifiée, qui reste extérieure à lui. Pour Sartre, le savoir se résume à l'érudition s'il n'est pas vécu. Contrairement au pédagogue qui veut méditer, Oreste, lui, préfère agir. [...]
[...] Ce choix de l'action est la véritable liberté pour Sartre. Cette opposition entre la liberté de l'esprit et la liberté de l'engagement est traduite par Sartre, toujours dans la scène 2 de l'Acte par d'un côté les métaphores de la légèreté, et de l'autre celles de la lourdeur : Je ne peux pas me plaindre : tu m'as laissé la liberté de ces fils que le vent arrache aux toiles d'araignée et qui flottent à dix pieds du sol : je ne pèse pas plus qu'un fil et je vis en l'air. [...]
[...] Depuis cent mille ans je danse devant les hommes. Place de l'œuvre dans son époque Il convient à présent d'étudier Les Mouches comme une œuvre produite dans un moment philosophique particulier. En effet, Sartre écrit également en réaction contre une certaine conception de l'homme et de la liberté développée par des philosophes du début du 20e siècle, en particulier Bergson. Bergson se classe du côté des grands critiques de la rationalité scientifique. Il critique la réduction de l'homme à une chose entièrement déterminée par sa nature biologique, sociologique, et revendique la métaphysique. [...]
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