Publié en 1995, Les mots des femmes, de Mona Ozouf, a l'originalité de présenter l'histoire de la féminité moderne au travers de dix portraits de femmes exceptionnelles. Toutes, de la fin de l'Ancien Régime aux premiers succès féministes, ont été des observatrices de leur temps, tout autant que des actrices de leur époque. Toutes, elles ont écrit, des romans, des essais, des lettres surtout, au long desquelles elles se dévoilent, tentent de toucher du doigt ce qui les différencie des hommes. Souvent issues de l'aristocratie, comme Marie du Deffand, Isabelle de Charrière, Germaine de Staël, Claire de Rémusat, George Sand, ou de la bourgeoisie, telles Manon Roland, Hubertine Auclert, Colette, Simone Weil et Simone de Beauvoir, ces femmes cultivées jettent sur leur temps un regard tout à la fois personnel et distant. Leur condition de femmes, en dehors, donc, du cercle politique de court-terme, leur permet une vision plus large, même si elles sont présentes lors des événements qui touchent les hommes de leur temps. Elles ont des aspirations, des rêves, des rejets. Elles les content à leur interlocuteur, et Mona Ozouf retransmet leur voix. En choisissant de ne dépeindre que des femmes françaises, elle tente d'expliquer la place particulière qu'elles ont occupée au sein des sociétés développées. Centre d'attraction des salons, sujet des discussions de Cour, porte-drapeau de la Révolution, parmi les premières à bénéficier d'une éducation largement répandue, les Françaises sont pourtant parmi les dernières à obtenir le droit de vote, en 1944, après même les Turques. Quelle est donc cette singularité française, qui fit qu'une attention particulière fut accordée aux femmes, tout en les laissant hors du cercle des décideurs pendant longtemps ?
Par des portraits croisés, on verra que la femme se décrit elle-même comme un être à part, qui est pourtant au cœur de son époque, qu'elle décrit et vit pleinement.
[...] Elles se sentent comprises par lui, qui leur dit qu'elles ont un rôle particulier à jouer. Ce paradoxe sur l'interprétation de l'œuvre de Rousseau est signe de la difficulté à émettre un jugement sur la fonction qu'assignait la société aux femmes. Dans leurs écrits, leurs confidences, les femmes montrent ainsi qu'elles ont conscience de la place particulière que leur fait la société, qu'elles l'acceptent ou la refusent. Presque toutes écrivent sur la spécificité féminine, mais toutes parlent de leur temps. [...]
[...] Dès lors, elles voient combien celle-ci les rend libres, et veulent la rendre accessible au plus grand nombre d'enfants possible. Claire de Rémusat publie un Essai sur l'éducation des filles, en 1824, Hubertine Auclert défend la poursuite des réformes de Camille Sée sur l'éducation féminine. Le personnage de l'institutrice devient un modèle de femme moderne. Plus tard, Simone de Beauvoir fait de l'éducation le moyen de parvenir à l'indépendance financière, qui est la clef de tout pour les femmes de son temps. [...]
[...] La femme, un être à part 1. Les femmes et l'amour Sujet premier de leurs lettres, à leurs amants, leurs maris, mais aussi leurs sœurs, leurs confidentes, l'amour est vécu par les femmes d'une manière particulière. Madame de Staël, au tournant du XVIII°, le définit comme l'unique point important dans la vie d'une femme. Elle eut, comme Madame du Deffand, au début du XVIIIème siècle, Colette ou Simone de Beauvoir, au de nombreux amants et aventures sans lendemain. Toutes ces femmes veulent profiter de la vie, d'une manière habituellement réservée aux hommes, mais qu'étrangement, comme le note Mona Ozouf, la société française ne sanctionne pas. [...]
[...] Il y a des femmes jusque sur l'échafaud, comme Olympe de Gouges ou Madame Roland. Femme d'un homme politique influent aux débuts de la Révolution, elle exerce à travers lui une action non négligeable, rédigeant la lettre d'observations à Louis XVI qui cause le renvoi de son mari, ministre de l'intérieur, puis participant activement au pouvoir. La Révolution est vécue par les femmes comme une rupture. Pour Madame Roland, elle change la perception du temps. Pour Madame de Staël, il s'agit du plus grand événement qui ait agité l'espèce humaine Claire de Rémusat, bien que marquée par la Terreur, garde une fascination pour une cette période où tout devenait possible, une époque "où s'appeler marquis ou comte ne servira plus de rien". [...]
[...] Madame du Deffand, alors même qu'elle a plus de quatre-vingts-ans, tombe éperdument amoureuse d'un Lord anglais, qui ne l'aime pas. Elle illustre alors tout ce qu'elle a toujours refusé et devient pour ses critiques l'image même de l'inconséquence de son sexe. Même si elle l'a toujours refusé, Simone de Beauvoir semble n'avoir collectionné les conquêtes, amours contingentes que pour oublier Jean- Paul Sartre, son amour nécessaire qui refusait de vivre toujours avec elle. Ainsi, pour Colette, l'amour est une catastrophe en ce qu'il n'ouvre à aucun partage, la volupté n'est qu'une courte consolation. L'amour rend la femme esclave. [...]
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