Mettant un terme au paisible dialogue des deux amis, l'entrée en scène d'Alceste marque le retour en force de la passion, du drame et du désordre. Adressé à Eliante, son appel à la vengeance « Ah ! Faites-moi raison, madame, d'une offense » ( v.1217 ) précède toute explication. Haletant sous le choc d'une révélation terrible, Alceste tarde à recouvrer ses esprits : la clé de l'énigme « Célimène me trompe » n'est donnée qu'au vers 1230, et la preuve de la trahison « une lettre écrite pour Oronte » est au vers 1237 (...)
[...] Molière Le Misanthrope I. Présentation Titre : Le Misanthrope ; acte IV scène 2 (1666) Auteur : Molière (1622-1673) Genre : théâtral Registre : comédie Mouvement littéraire : classique II. Résumé Alceste fait irruption et, sans préambule, demande à Eliante de le venger. Suffoquant de douleur et de colère, il révèle peu à peu ce qui le bouleverse : Célimène le trompe. Il en cette fois, la preuve irréfutable : une lettre que celle-ci a écrite à Oronte. C'est en vain qui Philinte invite son ami à se défier des conclusions hâtives : pour mieux se venger de celle qui l'a trahi, et rendre irrévocable sa décision de rupture, il offre le mariage à Eliante. [...]
[...] Aussi enflammée que hâtive, sa demande en mariage ne parle en fait que de Célimène Et je la veux punir (v.1255) . Cruelle déclaration d'amour qui, hantée par l'image obsessionnelle d'une autre , ne considère Eliante que comme l'instrument de sa vengeance ; il avoue du reste avec un involontaire : C'est à vous que mon cœur a recours aujourd'hui (v.1247) . Ainsi Alceste , pour servir son projet, utilise-t-il les nobles sentiments d'Eliante Vengez-moi de ce trait qui doit vous faire horreur (v.1251), comme il a précédemment utilisé ceux moins nobles d'Arsinoé : qu'il s'agisse de connaître toute la vérité sur Célimène ou de se venger d'elle (du moins le croit- c'est toujours le même désir de possession absolue qui l'anime . [...]
[...] Molière, du reste, emprunte pour cette scène des vers entiers du Dom Garcie de Vavarre (comédie héroïque écrite en 1661, et qui connut un échec total). Cependant, la réutilisation du lexique tragique dans une scène de comédie ne va pas sans ambiguïté : tout en soulignant les virtualités pathétiques de la situation, elle les désamorce aussitôt par un effet de parodie. Ainsi la tension entre les deux registres de la souffrance noble et de la gesticulation farcesque est-elle particulièrement accusée dans cette scène. [...]
[...] Adressé à Eliante, son appel à la vengeance Ah ! Faites-moi raison, madame, d'une offense ( v.1217 ) précède toute explication. Haletant sous le choc d'une révélation terrible, Alceste tarde à recouvrer ses esprits : la clé de l'énigme Célimène me trompe n'est donnée qu'au vers 1230, et la preuve de la trahison une lettre écrite pour Oronte est au vers 1237. Elliptique, le lien de cause à effet entre la scène 5 de l'acte III et celle-ci n'en est pas moins évident pour le spectateur : cette lettre brandie par Alceste est bien la preuve fidèle qu'Arsinoé lui a promise de l' infidélité de Célimène. [...]
[...] mêlez-vous monsieur, de vos affaires (v.1234) réintroduit en force le naturel brutal et tyrannique du misanthrope. Modéré et nuancé, le langage des deux amis, qui usent volontiers du peut-être (v.1232 et v.1261) et des tournures d'atténuation, souligne par contraste ses outrances et ses trépignements rageurs. Enfin, l'ironie de la situation vient renforcer le comique du langage et de la gestuelle ; ignorant la présence de Philinte, Alceste se précipite sur Elianthe : perpétuelle victime des fâcheux qui diffèrent son entretien avec Célimène, c'est pourtant lui qui, dans cette scène, joue le rôle du fâcheux vis-à-vis de Philinte. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture