Peu après la publication en 1807 de Corinne ou l'Italie, Mme de Staël publie, en 1810, son De l'Allemagne, au terme duquel elle écrit : « Il y avait deux nations hors de mode en Europe, les Italiens et les Allemands. J'ai entrepris de leur rendre la réputation de sincérité et d'esprit. » Dès lors, peut-on dire que le roman Corinne ou l'Italie est en quelque sorte un De l'Italie ? L'Italie, qui figure dans le sous-titre même du roman, s'annonce en effet comme un de ses thèmes principaux, et le roman constitue une sorte de guide touristique, culturel et sociologique de ce pays, d'autant plus que c'est directement à la suite de son voyage en Italie, en 1804-1805, que Mme de Staël écrit Corinne. Mais dans un traité comme De l'Allemagne, l'auteur s'exprime directement, alors que dans Corinne, les idées politiques de Mme de Staël sont mises en oeuvre à travers des personnages, des caractères, des dialogues et des situations romanesques. Aussi, réfléchir sur la place des Italiens dans Corinne, plutôt que sur celle de l'Italie, paraît plus approprié à la forme romanesque choisie ici par l'auteur. De fait, la question centrale, posée de manière romanesque par Corinne, n'est-elle pas finalement, pour reprendre le « comment être persan ? » de Montesquieu, « comment être italien ? » ? On peut aussi se demander pourquoi Mme de Staël prend le parti des Italiens ? Donc, comment et pourquoi les Italiens ? (...)
[...] 150) : en somme, ils sont dénués des défauts qu'amène la vie en société, comme le résume nettement Corinne dans sa lettre à lord Nelvil, p : Les Italiens ont de la sincérité, de la fidélité dans les relations privées. L'intérêt, l'ambition exercent un grand empire sur eux, mais non l'orgueil ou la vanité : les distinctions de rang y font très peu d'impression ; il n'y a point de société, point de salon, point de mode, point de petits moyens journaliers de faire effet en détail. Au contraire, l'Italie est la terre des passions individuelles. Seul y importe l'épanouissement de l'être personnel. Ainsi l'Italien est l'être de l'imagination par excellence (p. [...]
[...] Même Oswald finit par tomber d'accord avec Corinne et par adopter son principe de causalité, comme on l'observe p.190. Si les Italiens sont très peu présents dans le roman en tant qu'individualités, c'est donc parce que Mme de Staël s'intéresse à eux au premier chef en tant que totalité politique, c'est-à-dire en tant que nation. Selon elle, historiquement, la nation italienne est entrée dans une décadence, socialement, elle connaît une espèce de désagrégation, et politiquement, elle n'existe pas, puisqu'elle est sous la tutelle de puissances étrangères ; de sorte que Dans l'état actuel des Italiens, la gloire des beaux arts est l'unique qui leur soit permise. [...]
[...] Du reste, les Italiens ne se distinguent pas par leur appartenance à l'aristocratie, puisqu'ils vivent entre eux dans une familiarité de moeurs qui estompe les distinctions de rang (p. 151), mais se distinguent par cette imagination, par leur enthousiasme, leur talent naturel, leur génie artistique (p. 242). Le plus petit dénominateur commun des Italiens est en effet le sentiment des beaux-arts (p. ils se servent naturellement des expressions les plus poétiques (p. ont le talent d'improviser propre aux langues du midi (p. [...]
[...] Corinne, porte-parole des Italiens Corinne est la représentation idéalisée et le porte-parole des Italiens à un double titre : elle regroupe en elle la quintessence des qualités italiennes, comme le proclame Castel-Forte dans le portrait qu'il brosse d'elle au Capitole : elle est ce que nous serions sans l'ignorance, l'envie, la discorde et l'indolence auxquelles notre sort nous a condamnés (p.57). De plus, Corinne est une femme. Or, par opposition à l'Angleterre, qui est dépeinte comme le pays des hommes, l'Italie nous apparaît comme un pays féminin : le titre du roman ne met-il pas dès l'abord en équivalence l'Italie avec un prénom féminin ? [...]
[...] L'engagement politique de Mme de Staël en faveur de la nation italienne Cet engagement transparaît dans la propension quasi systématique de Corinne, du narrateur, et derrière eux, à peine voilée, de Mme de Staël, à ramener les défauts des Italiens à leur situation politique. De la sorte on lit p. 180-181 : Corinne convint d'abor que les Italiens n'avaient point de théâtre ; mais elle voulut prouver que les circonstances, et non l'absence du talent, en étaient la cause. Les maux des Italiens ont pour cause tour à tour l'absence d'opinion (p. 561), l'absence de société (p. 140), l'absence de patrie (p. [...]
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