Erich Auerbach (1892-1957) a été professeur de philologie romane à l'université de Marburg jusqu'en 1935. Destitué de ses fonctions pas le régime Nazi, il a émigré aux Etats-Unis par Istanbul. C'est là qu'il écrivit Mimésis, son principal ouvrage, internationalement considéré depuis sa parution à Berne, en 1946, comme un des plus grands classiques de la critique littéraire moderne. Il a aussi publié de nombreuses études sur la littérature antique et médiévale et sur le symbolisme chrétien.
Il veut prouver que la représentation de la réalité est toujours plus ou moins sous jacente dans la littérature occidentale. Pour cela il procède à une suite d'explications de textes qui vont d'Homère et de la Bible à une page de Virginia Woolf, dernier avatar, au moment où écrit l'auteur, de la forme narrative. L'auteur avoue qu'à l'origine de ce questionnement se trouve le livre X de la République de Platon, où celui-ci place la mimésis au troisième rang après la vérité
[...] Pas de lieu de séjour ni d'anthropomorphisme. De même Abraham n'est nulle part : seule sa position par rapport à Dieu s'exprime : il est à ses ordres. Rien n'est qualifié, tout est juste nommé, dans la situation présente qui seule compte. Donc par comparaison chez Homère tout apparaît en dehors de la simple situation présente, tout existe de façon absolue. Chez Homère il n'y a pas d'arrière plan psychologique autre que la conscience d'un destin clairement tracé, alors que les personnages bibliques sont chargés de doute et d'espérance, de non-dit lié à leur forte conscience du passé et du devoir. [...]
[...] Rien n'est laissé dans l'ombre : la vielle raconte au cours d'une digression l'origine de cette plaie, vieille blessure de chasse. Puis seulement ensuite on revient dans l'antichambre de Pénélope où elle reconnaît Ulysse, qui de sa main droite prend celle-ci à la gorge pour la faire taire. On peut penser que cette digression tend à accroître la tension, mais c'est mal connaître le procédé homérique. En effet pour qu'il y ait tension il faut que l'esprit du lecteur ne soit pas détourné entièrement du sujet, or Homère cherche à faire oublier au lecteur ce qui s'est passé avant au cours d'un récit long et idyllique de la jeunesse du héros. [...]
[...] Mais pour Auerbach ce procédé ne peut se limite à cette acception artistique. En effet pour lui l'absence de tension est plus liée au fait que chez Homère rien ne doit être laissé dans l'ombre, et que toutes les choses y apparaissant doivent être extériorisées. En fait il s'agit de présentifier les phénomènes complètement, et de créer une continuité absolue entre tous les éléments du récit. Rien de fragmentaire ne subsiste. De plus le style homérique n'existe que sur un seul plan. [...]
[...] Mais avant tout les textes bibliques sont sources à interprétations continuelles : en effet l'arrière plan religieux çà leur donner fait que le lecteur doit constamment s'y replonger pour comprendre à chaque fois plus intensément la foi te la piété qu'il ressent. Plus généralement, là où Homère écrit des histoires bien délimitées dans le temps, la Bible vise à écrire sur le temps universel. Voilà pourquoi elle doit traiter de toutes les époques et de tous les peuples : son interprétation doit gagner le monde entier et être attachée à tous les contextes ! [...]
[...] Mimésis se voulait donc être le testament de la diversité et de la réalité représentées dans la littérature occidentale. En relisant l'essai de 1951, on comprend néanmoins que le livre d'Auerbach est un hymne à une époque où on analysait les textes en termes philologiques, de manière concrète, sensible et intuitive ; une époque où l'érudition et la maîtrise sans faille de plusieurs langues contribuaient à la compréhension dont Goethe se faisait le champion avec sa propre compréhension de la littérature islamique. [...]
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