En Janvier 13, Apollinaire est à Berlin avec son ami Delaunay, invité par la revue Der Sturm. Au même moment la réélection de Poincaré à la présidence est un signe du patriotisme qui s'étend à la France et à toute l'Europe. Mais les arts ne connaissent pas de frontières. C'est l'époque du futurisme de Marinetti et de sa vocation internationaliste ; Paris est un centre artistique international avec Montmartre, Montparnasse, le Bateau-Lavoir et la Ruche.
Apollinaire est un poète français d'ascendance polono-italienne, ami de Picasso, de Marinetti, de Marcoussis, de Cendrars, de Larionov. Il est au cœur des débats parisiens, proche du courant cubiste connu depuis 1911, en rupture avec la tradition européenne : l'œuvre ne doit plus être mimesis mais poiesis. Il se pose la question de la simultanéité, avec des acceptions diverses.
Le modèle de la révolution picturale opère au moment où aucun courant dominant ne s'affirme en poésie. Il y a les tenants du néo-classicisme (retour aux formes et aux thèmes des XVII et XVIII, Maurras), le groupe de la Nouvelle Revue française animé par Gide qui opère la fusion des apports du symbolisme avec la tradition française, avec Claudel ou Valéry ; il y a également la théorie de l'unanimisme de Jules Romains qui chante le lyrisme de la cité moderne… Mais un esprit nouveau règne à partir de 1912 et surtout 1913 : Marinetti préconise la suppression de la syntaxe et de la ponctuation, l'usage exclusif du substantif et du verbe, le lyrisme de la matière qui supprime les sentiments humains. Les peintres cubistes influencent les poètes dans les finalités, le contenu et les formes de l'art. 1913 est une année d'invention et de renouveau, aussi dans le roman (Un amour de Swann, Le grand Meaulnes) et dans la musique (Le sacre du printemps)
[...] Le poète accepte pleinement le monde moderne, qui s'inscrit dans le temps et ne se réalise qu'en s'enfonçant dans le passé. Le poète d'Alcools n'est dans l'invention que parce qu'il se sait tributaire de la tradition. D'où cette précarité du moment présent informé par le passé, informant l'avenir. D'où les réticences envers les avant- gardes (futurisme) qui renient le passé. Fortune d'Alcools Le recueil connaît à sa parution un certain succès de librairie. Le livre était attendu, la critique fut abondante. [...]
[...] L'écholalie, la relance d'un son espérer gagner de l'argent en Argentine est également souvent utilisée. Contrairement à Mallarmé ou Valéry, Apollinaire n'a pas de théorie du langage : il est un inépuisable réservoir aux innombrables découvertes. Là réside le secret de l'obscurité : ce n'est pas la recherche méthodique d'un langage spécifique à la poésie, mais le résultat de l'incessant brassage des mots, de leur sens, de leur sonorité. C'est moins l'obscurité du mot que son étrangeté qui séduit Apollinaire. [...]
[...] Son seul système est de n'en avoir aucun. Thèmes La fuite du temps et la présence obsédante du souvenir est une expérience fondamentale de l'homme et du poète. C'est le rêve d'un éternel présent qui seul garantit la permanence du moi et de l'identité ; la mélancolie c'est à dire la difficulté d'être, à laquelle la poésie s'efforce d'apporter une réponse. L'automne est sa saison mentale avec des images de passage fréquentes, la délectation morose dans la fin d'amour : telle est sa représentation de l'univers et d'une existence qui n'est qu'un éternel adieu aux jours passés. [...]
[...] Il ne s'agit pas de concilier les contraires, mais de les accepter dans un antagonisme jamais résolu, qui est le foyer créateur de la poésie d'Apollinaire. Je est un autre Chacun de mes poèmes est la commémoration d'un événement de ma vie : il n'y pas de lecture purement biographique, mais des interrogations. Le plus souvent, ce sont des faits identifiables et datables. Les confidences sont plus cryptées dans les poèmes, par l'orchestration de la mélancolie incertaine, le fond d'images dépaysantes. [...]
[...] Il rêve d'un temps où il substituera une réalité nouvelle à celle de l'expérience. Un deuxième itinéraire est celui du découpage et du morcellement. Ce n'est pas simplement vision du monde, mais aussi la représentation du corps et de la vie : blessures, coupures. On assiste à l'éclatement des morceaux dans l'espace, reconsidéré dans une perspective de mise à distance et d'agrandissement grâce à des images de prolifération. C'est à la fois une saisie du présent et une expérience de la simultanéité. [...]
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