Quel est de fait le rôle d'un critique en littérature ? Le critique peut en savoir plus sur l'œuvre que l'auteur, et d'ailleurs le doit s'il veut avoir une quelconque postérité, et c'est donc le dit rôle de celui-ci que d'en savoir justement plus, plus que tous ses prédécesseurs. Toute la nouvelle critique s'accorde sur ce point. Le critique cherche chez le créateur ce qui peut expliquer la structure et la genèse de l'œuvre. En ce sens, Mauron se rapproche de la méthode de Sainte-Beuve, pour s'en séparer cependant sur un point essentiel : la façon dont Sainte-Beuve s'intéressait à la psychologie de l'auteur restait subjective et dépendait en premier lieu du critique lui-même. Mauron, lui, table sur la psychanalyse car il estime qu'elle fournit aujourd'hui des méthodes d'analyse d'un auteur qui ne font plus intervenir ni l'intuition, ni l'expérience personnelle du critique, ce qui permet alors à l'analyse en question de tendre vers une rigueur toute scientifique, comme d'ailleurs toute la psychanalyse, au moins dans ses volontés. Cette profession de foi scientifique est caractéristique de tout le siècle, surtout en ce domaine où Freud a permis de lever les premières interrogations. Il s'agit en fait en quelque sorte d'un mouvement global de « dévolontarisation » de l'homme, qui devient en quelque sorte le « pantin » de son inconscient...
[...] Un exemple de remise en cause me paraît assez évident : il explicite sa volonté d'universalité de sa méthode, mais celle-ci est inapplicable dans le cas d'un auteur qui n'aurait pas écrit plusieurs œuvres, ou seulement quelques unes en tous cas. En effet, comment alors effectuer tous ces recoupements si fastidieux auxquels se livre nécessairement Mauron ? Comment faire ressortir de seulement quelques poèmes un ensemble de métaphores obsédantes à même de permettre une quelconque interprétation ? Donc, malgré son souhait d'universalité, Mauron doit assumer le risque d'une remise en cause totale et intégrale de son apport théorique. [...]
[...] Il faut voir la création artistique tout d'abord comme l'objectivation d'une conscience subjective d'une part ; et d'autre part, cependant, l'auteur structure son oeuvre en pleine conscience. Pourtant, il y aurait aussi selon Mauron une intention plus profonde, inconsciente, qui échapperait de fait à l'auteur lui-même, mais qui n'en influencerait pas moins son travail créateur. Mauron pense ainsi qu'il peut être utile, voire nécessaire, de tenter de déceler ce qui oriente le travail créateur de l'auteur, par cette démarche psychanalytique. [...]
[...] Ces grands mythes sont de même nature que les grands personnages archétypiques qui animent l'imaginaire de tout un chacun, mais à un niveau de conscience plus ou moins révélé. Et par cela l'analyse de Mauron ne deviendrait que l'explication d'un de ces niveaux de conscience. Dans la quatrième partie de son ouvrage, Mauron en vient précisément à l'explication de ces fameux mythes personnels qu'il prétend mettre au jour. Mais, sans ré expliquer la réalité de ce concept, est-il une fois encore vraiment intéressant d'aller plus loin dans cette direction si l'on n'est pas l'auteur lui-même ? [...]
[...] Il ignore l'origine profonde et personnelle de leur répétition Mais encore une fois, le risque est finalement le fait que ce n'est plus l'œuvre qu'on comprend mieux, mais bien le poète lui-même, ses craintes, ses angoisses, ses obsessions, toutes ces choses sans lesquelles on peut dire que sans doute il n'aurait pas écrit ses œuvres d'art, ou tout du moins leur essence en aurait été forcément modifiée. Par ce repérage, il pourra définir un champ de forces inconscientes qui a orienté le travail de l'auteur. [...]
[...] Celui-ci va donc essayer de repérer des métaphores obsédantes et tenter de les interpréter. Cette méthode psychocritique consiste en la superposition d'œuvres d'un même auteur pour tenter d'en faire ressortir des associations de mots caractéristiques, associations dans lesquelles reposerait le fameux sens inconscient que Mauron cherche à mettre en lumière. Cela pose un premier problème, d'ordre méthodologique : analyser en ne pouvant que recouper les œuvres, n'est-ce pas remettre en case l'unité absolue de celles-ci, leur finitude du point de vue de leur qualité artistique, essence de ce qu'analysent les critiques littéraires ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture