« Sinistre pays » (p 11) tari par la sécheresse, assurément rude que le Sahara. C'est dans cette thébaïde que Théodore Monod, l'infatigable voyageur, décida à dessein de s'établir. C'est bien moins la satisfaction d'une quelconque lubie que le désir d'atténuer l'ignorance des scientifiques face à « l'immensité du champ d'études et les multiples difficultés de la recherche en pays désertique » (p 43) qui poussa Monod à entamer sa vie érémitique.
Celui-ci, né en Seine-Maritime en 1902, obtint un doctorat ès sciences (1926) et fut tour à tour géologue, zoologiste, ichtyologiste et explorateur, un savant en bref (mot qu'il eût fallu proscrire devant lui car les véritables savants, peu enclins à la pédanterie, détestent cette étiquette). Il n'en était pas moins humaniste et militant, un pourfendeur des inégalités sociales et des injustices.
[...] Afin de l'étudier, il fallut au préalable le connaître, le parcourir, se souvenir du détail parmi l'immensité: en un mot, y vivre. Lieu abiotique ? Ce serait une hyperbole que de l'affirmer mais ce serait tout autant un euphémisme que de dire que la vie y est peu aisée. Et de fait, Monod y décrit dès les premières pages une chaleur suffocante. Un soleil ingrat qui, d'ami (France) à ennemi (Sahara) passe: Le baiser se fait morsure, et la caresse brûle. [...]
[...] Il est enfin temps d'allumer un feu - avec du hâd ou de l'askaf trouvé dans les dunes et cailloux 36) lequel a plusieurs fonctions: il peut tantôt servir à préparer un repas (féculents), tantôt à éloigner des animaux parasites, mais surtout à se réchauffer, l'amplitude thermique saharienne étant très importante et les températures du jour et de la nuit étant sensiblement différentes (il est difficile d'établir une moyenne, les températures variant largement selon les régions et selon les périodes mais il n'est pas impossible que les températures soient négatives la nuit et positivement très élevées le jour). Si ce livre est un récit de voyage, il n'en est pas moins vrai que Monod nous livre quelques-unes de ses observations. [...]
[...] Pourtant, les longues et laborieuses recherches de Monod demeurèrent vaines. Le lecteur ressent bien ici le scepticisme qui émane du scientifique, qui avoue subrepticement que l'on a tout lieu de penser qu'il s'agissait in fine d'une affabulation 128). Le livre de Monod permet également d'infirmer ces a priori peu ou prou véridiques se rapportant au Sahara. L'image d'Epinal ainsi liée au désert était celle d'un espace vide de toute formation végétale et de toute espèce animale. Pourtant, si les animaux sont rares, il y en a cependant un petit peu partout (page 172). [...]
[...] Les phases de dessèchement auraient donc été le vecteur principal du dépeuplement de la région. Ce qui expliquerait, eu égard au fait que la Terre est présentement dans une nouvelle phase de dessèchement, que le Sahara soit si peu peuplé. Pour autant, le méhariste avoue être incapable de dater ce désert J'aimerais tant pouvoir dater ce Sahara vénitien» p ce qu'il regrette fortement. Il indique aussi que la vallée du Nil est la seule région pour laquelle les scientifiques peuvent estimer la datation précise. [...]
[...] Le Sahara semble être en conclusion le lieu de tous les contraires mais aussi de tous les possibles. N'est-il pas de fait surprenant, à première vue, de lire et de comprendre que le puits, de source de vie, devient lieu de rencontres, lieu de discussions, lieu de sociabilité ? Et le livre s'achève ainsi 243), conclut Théodore Monod, l'indéfectible sondeur du désert qui, de vie à trépas en 2000, passa. Point de palabres et d'épilogue merveilleux. Rien d'autre que la fin d'une étape, la fin d'une vie. [...]
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