La maison des Clearon, légèrement retirée des eaux du Pacifique, avait l'allure d'un grand hall de pêche. Le soleil, les pluies, les tornades orageuses, rien n'avait épargné cette pauvre famille.
Pourtant, une règle s'imposait chez ses habitants. Tout était clair et obéi. Jones, l'aîné, avait l'élégance du plus grand des gentleman et son éducation semblait avoir imprégné sa personne d'une façon si catégorique qu'il devenait presque parfait pour côtoyer la société aristocratique.
Sa tenue suffisait à sa prestance. Son port de tête altier, sa mèche contournant son visage, ses yeux à l'expression vive, son nez parfaitement dessiné et sa délicatesse témoignant d'une profonde timidité faisaient de lui le parfait adonis que les femmes du monde n'avaient pas encore eu la chance d'admirer.
[...] Il lui répondit sur un ton rempli de hargne : Jones Clearon, madame, pour vous servir ! Elle se mit soudainement à rire sans pouvoir se contrôler et son humeur se changea comme sous l'effet d'un éclaircissement. Sa gaieté et ses élans de vie se transmettaient si naturellement sur Jones que celui-ci comprit à quel point elle était légère. Pendant près d'une heure, ils conversèrent de la vie et des actualités, et elle prit un plaisir délicieux à goûter l'instant du partage avec ce jeune homme si particulier. [...]
[...] Quand elle mit une guitare autour de sa taille, le public était déjà debout. Le sourire aux lèvres, elle prit le micro et dit : J'aurais aimé être une gitane. La musique manouche, surtout celle de Django, me fait pleurer et elle interpréta, en hommage au célèbre guitariste, un de ses slows les plus émouvants. À la fin du morceau, Drucker, ému aux larmes, l'attrapa par la main et lui dit : Votre talent, votre beauté rayonnent sur notre antenne. [...]
[...] Toute ma vie, je resterai enfermé. - Pourquoi me parles-tu ainsi ? - Parce que je suis heureux malgré la puanteur de cette prison. Je joue tous les jours dans la petite salle de musique et j'y trouve mon bonheur. Se souvenant de son frère qui jouait en rentrant de l'école et de son père qui lui enseignait sa science par des conseils éclairés, Pierre dit à l'homme : Je jouerai avec toi Ils se donnèrent alors rendez-vous le lendemain à quinze heures. [...]
[...] Quand Jones se releva, ils étaient partis. Chancelant et titubant, il se Benoît Dubuisson Éditions en ligne bd20101201cla traîna jusqu'à l'hôtel et s'endormit. Le lendemain, après s'être soigné, il se jura de prendre sa revanche, blessé qu'il était dans son orgueil d'arriviste et dormit tout au long de la journée. En somme, il était aux aguets, oubliant la politesse et le travail que ses parents lui avaient inculqués dans sa jeunesse. Mais un homme d'affaires dans une ville comme New York n'était pas un humble pêcheur du Pacifique expatrié de son pays natal. [...]
[...] Sa maladie dura deux semaines pendant lesquelles Jess restait à son chevet nuit et jour. Le sourire aux lèvres, elle lui fit écouter le Canon de Pachelbel en lui disant : Tu sais, je l'écoute souvent pour me bercer la nuit. Jones, encore faible, entendit cette mélodie que Dieu avait si généreusement créée. Il l'écoutait tout au long de la journée et la mettait en boucle pour oublier l'espace d'un instant les sentiments qui le reliaient à son éducation. Quand il fut rétabli, sa personne semblait métamorphosée et l'expression de ses yeux avait terriblement changé. [...]
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