Marcel Proust (1871-1922) est un auteur réputé difficile. Son œuvre majeure, A la recherche du temps perdu, comprend neuf volumes; Du côté de chez Swann est le premier. D'une très grande richesse, elle peint l'ensemble de la société de son temps et les replis des consciences, mais constitue aussi une fresque de l'aventure artistique, car le narrateur, que nous suivons de l'enfance à l'âge adulte, prend peu à peu conscience de sa vocation littéraire.
Pour comprendre ce passage, situé au début du roman, il faut savoir que Marcel Proust analyse souvent le snobisme, qu'il juge comme un péché contre l'esprit. Ici, Monsieur Legrandin, un ingénieur qui appartient à la bourgeoisie, comme d'ailleurs la famille du narrateur, est pris en flagrant délit de snobisme alors qu'il fustige d'ordinaire ce vice. II feint de ne pas voir ses amis parce qu'il converse avec des personnes qu'il estime plus importantes socialement : il ne veut pas avoir l'air de connaître des petites gens, et encore moins devoir les présenter.
Dans A la recherche du temps perdu (1913-1927), Marcel Proust s'attache notamment à peindre certains travers de l'âme humaine. Le snobisme est l'un de ces défauts, que l'on retrouve tout au long de l'œuvre chez Mme Verdurin ou la duchesse de Guermantes.
Dès le premier volume, ce thème surgit avec l'attitude d'un personnage, Monsieur Legrandin. Parce qu'il est en conversation avec des gens riches, cet homme fait semblant de ne pas voir ses amis, qui passent tout près. La scène est bien composée et peint avec précision les réactions un peu outrées du snob. Il s'y ajoute une pointe d'humour, car Marcel Proust ridiculise Legrandin en le comparant à un pantin ou à un animal. Du portrait d'un snob, nous passons à une caricature par l'intermédiaire d'un humour mordant.
[...] Marcel Proust, Du côté de chez Swann (extrait) Le jeune narrateur et sa famille aperçoivent par hasard Monsieur Legrandin qui, jusqu'à présent, leur témoignait des marques de sympathie auxquelles ils étaient sensibles. Nous vîmes sur le seuil brûlant du porche, dominant le tumulte bariolé du marché, Legrandin, que le mari de cette dame avec qui nous l'avions dernièrement rencontré était en train de présenter à la femme d'un autre gros propriétaire terrien des environs. La figure de Legrandin exprimait une animation, un zèle extraordinaires; il fit un profond salut avec un renversement secondaire en arrière, qui ramena brusquement son dos au-delà de la position de départ et qu'avait dû lui apprendre le mari de sa sœur, Mme de Cambremer. [...]
[...] Tel est également le rang de l'homme qui présente Legrandin, comme le révèle le mot autre». La possession d'un cocher est aussi un signe d'aisance. La femme traite Legrandin presque comme un domestique, en lui demandant d'aller «dire quelque chose à son cocher». L'attitude de Legrandin, qui obtempère avec une «joie timide et dévouée», et revient avec un empressement servile se hâtant» montre qu'il intériorise et accepte cette distance sociale. En feignant d'ignorer ses amis, Legrandin ménage tous les intérêts de la vie mondaine. [...]
[...] La rencontre est placée sous le signe de la banalité. La scène appartient à la vie quotidienne : des personnes qui se connaissent se rencontrent à la sortie de la messe du dimanche. Ainsi s'explique la mention du «porche» de l'église et du «marché». Mais l'un des hommes, qui est en train de se faire présenter à une femme qu'il juge socialement importante, feint de ne pas voir de vieux amis. En effet, il ne veut pas se dévaloriser en montrant qu'il fréquente des gens de basse extraction. [...]
[...] C'est dans ce cadre que l'on découvre le snobisme. Cette révélation est progressive : tous les éléments s'accumulent pour faire soupçonner l'importance que le rang social a pour le personnage principal, jusqu'à la notation finale de l'absence de regard, preuve du vice ici dénoncé. Le centre du texte constitue le pivot de la découverte : en observant Legrandin, le jeune garçon conçoit soudain qu'il pourrait avoir une personnalité cachée. Ses gestes «éveillèrent tout d'un coup dans mon esprit», remarque-t-il, possibilité d'un Legrandin tout différent de celui que nous connaissions». [...]
[...] Son œuvre majeure, À la recherche temps perdu, comprend neuf volumes; Du côté de chez Swann est le premier. D'une très grande richesse, elle peint l'ensemble de la société de son temps et les replis des consciences, mais constitue aussi une fresque de l'aventure artistique, car le narrateur, que nous suivons de l'enfance à l'âge adulte, prend peu à peu conscience de sa vocation littéraire. Pour comprendre ce passage, situé au début du roman, il faut savoir que Marcel Proust analyse souvent le snobisme, qu'il juge comme un péché contre l'esprit. [...]
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