[...]
Plusieurs éléments conduisent le lecteur à voir dans le poème le récit d'une scène passée, mettant en situation deux amoureux.
? Les verbes : on remarque que le premier, au début du premier quatrain, est à l'imparfait, Je disais (v. 1) et que les deux autres, chacun placé dans une strophe différente, fit (v. 5) et crus (v. 9), sont au passé simple. Le premier rapporte une situation de parole qui dure, et qui se trouve dans un passé non défini ; les deux autres marquent une succession d'actions, donc une évolution de la situation initiale. Les trois verbes soulignent ainsi la présence de trois étapes successives : un échange de parole durable qui laisse place à deux actions particulières.
? Les lieux et le temps : le cadre de la scène est précisé par le premier quatrain qui donne une indication de lieu, Sur le bord sablonneux d'un ruisseau (v. 2). Il s'agit d'une scène champêtre. Pour ce qui est du temps, simplement signalé par l'autre jour (v. 1 ) et par les temps des verbes, on peut juste savoir que la scène se situe dans le passé.
? L'évolution de la situation : ponctuée et exprimée par les verbes au passé simple, la situation rapportée à la première personne fait état d'un échange de parole de registre élégiaque, Je disais [...] ma peine et ma tristesse, puis d'une réaction qui est celle de l'interlocutrice, L'occasion lui fit trouver une finesse (v. 5), d'une réaction immédiate, exprimée par Je crus tout aussitôt (v. 9), et d'une réflexion personnelle qui en constitue la conclusion et qui se situe dans le dernier tercet. Le sonnet suit exactement, dans sa structure, le déroulement rapporté de la scène, scène que raconte le narrateur, qui en a été à la fois le héros et la victime.
? Le narrateur / personnage et son interlocutrice : le narrateur de la scène est Je, présent dès le premier vers et sujet de plusieurs verbes. Il raconte une scène dont il est lui-même un des personnages, celui qui parlait, comme le montre l'emploi du verbe de parole Je disais (v. 1) et le mot discours (v. 3), celui qui est le destinataire d'un autre discours de promesses et de serments, ce que souligne l'interpellation Silvandre (v. 6), le pronom personnel me complément du verbe dire (v. 6), le pronom personnel de la deuxième personne dans le discours direct, t'assurer, t'en signe (v. 7 et 8), celui qui réagit avec bonheur au discours tenu, accordant foi aux paroles de la bergère (...)
[...] L'eau, le sable et les promesses : présent dès le premier quatrain, le ruisseau joue un rôle essentiel dans le sonnet et dans l'histoire. Il est en effet, dans le second quatrain, le support de la promesse et la cause d'un bonheur immense, évoqué de manière hyperbolique dans le premier tercet : c'est en effet sur lui que s'inscrit l'aveu de la bergère et la promesse d'un amour éternel. Le ruisseau est alors au centre d'une relation d'apparence sincère : promesse d'un côté, exprimée par les mots t'assurer, aimerai toujours, promesse et bonheur intense de l'autre : divins serments, bonheur, finiraient mes tourments, plus heureux du monde (v. [...]
[...] Mais il se révèle surtout l'instrument du mensonge et de la trahison par sa nature même : le sable et l'eau, éléments fugaces et insaisissables, ne garantissent en rien les serments et les promesses qui sont inscrits sur eux. III. Le rôle du second tercet Les trois actes de la petite scène pastorale correspondent aux trois premières strophes du poème. L'articulation logique Mais qui ouvre le vers 12 (et le second tercet) souligne une opposition que le lecteur peut facilement imaginer compte tenu du premier tercet. [...]
[...] Les reprises de termes et les phénomènes d'écho d'une strophe à l'autre : différents champs lexicaux figurent dans les strophes à travers des termes qui renvoient l'un à l'autre : par exemple sablonneux, ruisseau, cours (premier quatrain) sont développés et repris par cette eau (v. puis par sable et onde (v. 13) qui renvoient aux circonstances et aux actions précédentes. Une structure construite sur des oppositions : la réponse à la première question a montré la construction du récit en plusieurs étapes : discours, réponse, énoncé des sentiments de bonheur. Ces trois étapes, qui marquent une progression culminant dans le bonheur extrême, bonheur dont l'affirmation est cependant atténuée par le verbe croire (v. s'achèvent avec la découverte du mensonge. [...]
[...] On peut ainsi percevoir l'opposition entre les deux tercets, en même temps que leur suite logique. L'opposition est soulignée par le contraste entre l'affirmation du bonheur intense, ce qu'exprimé de manière rigoureuse le vers 10 avec sa structure en parallélisme et ses antithèses : Commençant / finiraient, mon bonheur / mes tourments et le constat qu'il ne reste rien des serments d'amour: que peut- on construire de solide et de durable sur du sable et sur de l'eau ? On pourrait ainsi remarquer que, d'emblée, l'histoire était vouée à l'échec, du seul fait de l'assimilation des sentiments à certains éléments de la nature. [...]
[...] Le second tercet est à la fois le constat de la tromperie et celui de la naïveté qui l'a permise. Il joue ainsi le rôle de la moralité d'un apologue permettant à quiconque se trouvant dans une situation similaire de ne pas se laisser prendre de manière aussi crédule aux serments éternels qui ne sont pas plus stables que l'eau courante du ruisseau. Le thème conventionnel de l'inconstance (ici féminine, faisant de la bergère une sorte de Don Juan) est traité dans une relation avec les éléments de la nature et de manière originale, à travers une petite scène de comédie dans laquelle celui qui parle n'hésite pas à se moquer de son comportement candide. [...]
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