[...] Où en sommes-nous ? Nous voici pris entre notre vieille nation que nous ne voulons pas quitter et l'Europe nouvelle que nous espérons rejoindre sans savoir comment. A un gouvernement représentatif tend à se substituer une 'gouvernance démocratique' qui ne nous gouverne ni ne nous représente. Nous voyons sans nous émouvoir notre existence politique se défaire parce que nous sommes en proie à l'illusion d'une humanité unifiée qui pourrait tenir ensemble en se passant de toute forme politique. Et il y a longtemps que nous ne savons plus que faire de la religion. Comment donner sens à cette crise de notre existence commune ? Pierre Manent interroge l'histoire, récente et lointaine, de la nation ; la manière dont elle a accueilli et nourri la démocratie ; et comment son effacement menace aujourd'hui cette démocratie même. Il met en évidence la situation paradoxale de la religion dont on ne cesse d'annoncer la fin imminente alors même que les séparations religieuses organisent de plus en plus notre paysage politique. L'Europe ne peut rester longtemps encore cette zone dépressionnaire où l'on a peur de son ombre.
[...] Il est donc possible d'affirmer une différence autre que religieuse. Ainsi, bien que le sentiment national se perde aujourd'hui, on le voit dans la résurgence des communautés, il est possible de continuer une construction de l'ensemble politique européen qui ne serait plus fondé sur le seul Etat-nation. Cette évolution était d'ailleurs un des objectifs du projet de traité constitutionnel. [...]
[...] Il est donc nécessaire de réaffirmer la nation, et par là, une identité commune. Cela passe par l'assise sur le religieux. Comme le montre l'exemple de la nation juive à l'Europe, combiner religion et nation confère une certaine solidité à cette dernière. Redonner une place au religieux dans le politique n'est pas contradictoire nous affirme Pierre Manent, car, en effet, la religion et le politique se recouvrent en partie. Tout d'abord car ce sont des modalités de la communion par ailleurs, pour les européens, la religion n'est objective que comme fait politique, et enfin, car le monde s'organise selon des polarités politiques qui recoupent largement les divisions religieuses En outre, cet exemple semble dire à l'Europe qu'il est temps de remettre en cause sa vision universaliste, pour lui donner une condition réelle. [...]
[...] La nation, nous dit Pierre Manent, subit ainsi une perte de reconnaissance et tend à disparaître. Pierre Manent nous propose ainsi de revenir à une Europe réelle, de réaffirmer la nation comme communauté politique de base. La perte de la nation entraîne la perte de l'Etat laïque car l'Etat laïque suppose une nouvelle communauté sacrée, succédant à l'Eglise, qui est la nation. Or, la perte de l'Etat laïque, qui est la structure politique européenne, mène à un détachement des communautés. [...]
[...] Fiche de lecture La Raison des nations, réflexions sur la démocratie en Europe Pierre Manent Pierre Manent est né en 1949. Normalien et agrégé de philosophie, il devient assistant de Raymond Aron au Collège de France, et participe avec lui, à la création de la revue Commentaire en 1978. Il a en outre enseigné les enjeux politiques à Sciences-po Paris, et est professeur associé au Boston College. Il est aujourd'hui directeur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), où il enseigne par ailleurs la philosophie. [...]
[...] Ainsi, on s'est tourné contre l'Etat souverain pour trois raisons : Tout d'abord, en raison d'une certaine méfiance (l'Etat peut se retourner contre notre liberté), ensuite car on n'a plus besoin de cet instrument, car la liberté égale, qui était son but, est acquise. Et enfin, car la démocratie se retourne contre la dernière différence : la supériorité de l'Etat sur la société. Un signe très fort de la destitution de l'Etat souverain est l'abolition de la peine de mort. [...]
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