La métaphysique, discipline liée à la philosophie n'est pourtant pas étrangère à la littérature. En effet, bon nombre de romanciers se sont intéressés à cette approche plus profonde des êtres et du monde et Malraux semble bel et bien en faire partie, car si La Condition humaine peint une fresque historique de la révolution chinoise, elle n'en demeure pas moins une méditation sur l'homme et sa condition, comme l'indique son titre. Avec pour cadre le "massacre de Shanghaï" de 1927 opposant le Kuomintang aux communistes chinois, l'auteur met en avant le sort auquel est voué l'être humain et pour se faire, il n'hésite pas à aller puiser dans l'essence même de ce dernier. En tentant d'expliquer la nature ultime des choses et de l'univers, Malraux offre effectivement au roman une nouvelle dimension dans laquelle la connaissance de l'homme est absolue, donc métaphysique. Mais écrire sur la condition de l'être humain semble être, pour lui, une entreprise indissociable du destin puisque, dans l'oeuvre, la quête métaphysique de l'homme le voue inéluctablement à la fatalité. Le contexte politique, quant à lui, favorise l'insertion d'une réalité tragique empreinte de meurtres, de souffrance ou encore de dégénérescences, causés par un monde en mutation, dans lequel la solitude et la douleur prennent souvent le pas sur le reste et empêchent ainsi les héros d'échapper au destin qui leur est attribué.
Il s'agira alors de se demander en quoi la quête métaphysique des protagonistes est fatalement liée au tragique de leur condition d'homme (...)
[...] Dans ce lieu cloitré, les heures disparaissent, la vie se transforme en destin et c'est en cela que la réalité emmurée, confinée de La Condition humaine peut être définie comme tragique. Un peu plus tôt, le narrateur affirmait déjà à propos de la réclusion du jeune homme: Kyo regardait de toute son attention, tentait de voir auxquelles de ces ombres appartenaient ces voix si proches de la mort Cette scène d'emprisonnement véritable et non plus symbolique qui se trouve dans la sixième partie du roman semble parfois vouloir renvoyer à la réalité de la situation chinoise de 1927. [...]
[...] Mais dans La Condition humaine, les êtres ne se révèlent pas qu'eux-même, ils prennent aussi conscience des autres, de l'Autre. Les déclarations de Gisors illustrent parfaitement cette facette de l'oeuvre, notamment lorsqu'il affirme que Le recours à l'esprit tente de compenser ceci: la connaissance d'un être est un sentiment négatif: le sentiment positif, la réalité, c'est l'angoisse d'être toujours étranger à ce que l'on aime. Et cette angoisse dont il parle, Gisors la fera vivre implicitement à Kyo lorsqu'il déclarera à propos de Tchen Pourquoi ai-je l'impression de le connaître mieux que mon fils? [...]
[...] Effectivement, au sein du roman, les problèmes liés à l'absence de dieu dans l'univers malrucien, à la conscience des personnages ou encore au temps propagateur de doute, entrainent inéluctablement la formation d'un destin cruel. De ce fait, il semble que les existences des protagonistes soient tragiques puisque le monde dans lequel ils évoluent les enferme un peu plus dans leur condition d'homme, condition dans laquelle la mort est inévitable puisque comme le disait Malraux: L'homme est le seul animal qui sait qu'il doit mourir. [...]
[...] Il semble que la dignité passe donc par une mort certaine mais une mort choisie. Si Kyo préfère le suicide à l'immolation et Katow préfère son supplice à celui de ses deux camarades, c'est bien sûr par humanité mais aussi et surtout par volonté d'héroïsme. D'ailleurs dans le roman, Malraux n'associe pas toujours la mort à la souffrance, au contraire, il lui donne souvent un statut libérateur. Le critique Jean Guehenno affirme d'ailleurs à ce propos que Tout le tragique du livre tient ainsi dans les efforts que font quelques héros pour échapper à la condition humaine, se dépasser eux- même et de quelque manière, enfin, devenir dieux De ce fait, les personnages principaux de l'ouvrage auraient pour but premier la poursuite d'une quête métaphysique: le dépassement de leur condition d'homme, qui s'effectue généralement à travers la mort. [...]
[...] Ainsi, l'érotisme serait inéluctablement lié au trépas, ce qui fait évidemment référence à Eros et Thanatos, symbole de l'alliance entre pulsions sexuelles et pulsions destructrices. Pour ce qui est de Clappique, sa mythomanie le pousse à vivre une expérience tragique. En effet, lorsqu'il se retrouve à l'hôtel seul face à son miroir, le masque tombe et il n'a d'autre choix que d'affronter sa véritable personne. En voulant échapper au monde et à sa condition, Clappique fini par se faire rattraper par la réalité. [...]
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