L'auteur fait part de l'un des axiomes de l'Histoire de France : il y a deux Louis XV, le personnage privé et le personnage public, ce qui en fait un monarque déroutant. Il semble que le personnage privé l'emporte en intérêt : de son temps, il est critiqué par les courtisans car il ne prend pas comme favorites des femmes de qualité, sauf les sœurs de Nesle, en sa jeunesse. Le voilà qui se démarque donc de son prédécesseur.
De ce fait, le discrédit porté sur la vie privée du roi rejaillit sur le XVIIIe siècle où le terrain de la cour est souvent occupé par la "petite histoire". L'histoire politique et l'histoire culturelle ont imposé l'idée que les évolutions essentielles ne passent plus par Versailles.
L'immédiateté de nombreux Mémoires prouve aisément l'authenticité des témoignages. Le problème n'est pas que l'on utilise les témoignages de contemporains, il est dans la façon on le fait : on choisit tel témoignage lacunaire et partiel, on puise ce qui convient à chacun, comme pour écrire une biographie du siècle, parfaitement subjective, en parallèle avec le déclin de l'histoire sérielle et quantitative.
Il faut donc trouver une méthode d'utilisation de ces Mémoires. Avant d'extraire des citations, il faut objectiver le discours du mémorialiste comme le support d'une représentation du monde. Pour chaque œuvre, il est bon de répondre à cinq questions : qui parle ? Quand ? D'où ? Comment ? Pourquoi ?
[...] Cette frivolité de la cour garantit étrangement l'ordre social et politique alors que les philosophes ont opéré une confusion des genres en ayant introduit la légèreté dans un domaine où elle n'était pas de mise : ils faisaient de sujets graves un "délassement d'esprit" et de la "gaieté pleine de finesse" une arme, dit encore Madame de Genlis. D'où la subversion des légitimités. Il fallait connaître la géographie et les contours de cet usage du monde et donc lire le Mercure et la Gazette de France notamment qui diffusaient des informations mondaines ; on lisait aussi les nouvelles à la main et l'on prenait du temps à faire sa correspondance. Dans sa Correspondance, Luynes relate les funérailles importantes comme celles du chancelier d'Aguesseau. [...]
[...] Mais le récit anecdotique est porteur d'un sens qui transcende l'apparente vanité du propos. Les petits faits qui touchent au pouvoir sont rarement anodins. Moins complexes que le grand jeu politique, ils n'en sont pas moins significatifs, car ils donnent à lire, dans une trame simplifiée, les modalités d'exercice et de manifestation du pouvoir qui n'existera jamais qu'en acte. Ils ont également une valeur métaphorique en raison du décalage entre la gravité des enjeux réels et le caractère superficiel et sans conséquence apparente de l'épisode relaté. [...]
[...] Mais quand on avait poussé cette vie aussi loin qu'elle pouvait aller, et qu'il fallait s'apercevoir qu'à aller encore partout on commençait partout à n'être de rien ; qu'enfin les cérémonies avec lesquelles vous étiez reçu, les compliments qu'on vous faisait, les égards dont vous ne pouviez pas vous défendre, vous avertissaient que, pour rester à la cour, il fallait pourtant quitter le monde, et que, si vous pouviez remplir votre place à Versailles, y faire votre devoir, y vivre enfin, il ne fallait pas moins renoncer à sa vie, il n'y avait pas d'autres partis à prendre que de se faire dévote, en attendant qu'on le devînt peut-être. On n'allait presque plus à la comédie, mais on allait au sermon. On voyait beaucoup moins les gens qui quittaient le théâtre de la cour que pour celui de Molière, mais on était remarquée par ceux qui suivaient le roi à la chapelle." L'Etiquette L'Etiquette est le symbole de la distance et donc du respect. [...]
[...] Elle est parfois prosaïque, cette Etiquette, tant elle veut régir chaque aspect de la vie privée des monarques. On apprend par exemple que pour l'usage des tables réservées aux rois, aux ducs et aux pairs, il faut une double nappe, le port du bâton de commandement pour le maître d'hôtel, l'essai des plats ; on découvre les titres honorifiques de panetier, échanson ou écuyer tranchant[2]. En cas de doute, on peut toujours consulter tel ou tel officier de Cour, comme le maître des cérémonies, le premier gentilhomme de la chambre ou l'introducteur des ambassadeurs, voire même le premier valet de chambre du roi ou apprendre par cœur le traité du Cérémonial français. [...]
[...] Il faut donc trouver une méthode d'utilisation de ces Mémoires. Avant d'extraire des citations, il faut objectiver le discours du mémorialiste comme le support d'une représentation du monde. Pour chaque œuvre, il est bon de répondre à cinq questions : qui parle ? Quand ? D'où ? Comment ? Pourquoi ? [...]
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