"Bien des chemins mènent à la chambre : le repos, le sommeil, la naissance, le désir, la méditation, l'amour, la lecture, l'écriture, la quête de soi, Dieu, la réclusion, voulue ou subie, la maladie, la mort. De l'accouchement à l'agonie, elle est le théâtre de l'existence".
Ainsi commence, sous la plume de Michelle Perrot, cette vision de l'Histoire de l'humanité à travers la serrure de la porte camérale. Michelle Perrot est une historienne, spécialiste du XIXe siècle, et féministe française, née en 1928. Au cours de ses différents ouvrages, elle a souvent entrouvert les portes des chambres, des cellules, pour étayer ses recherches, notamment en travaillant sur l'histoire des ouvriers (...)
[...] Il attribue cette situation à la faiblesse de la circulation et des échanges. Les hôtels des villes sont mieux nantis, et traduisent le niveau de développement régional. Au milieu du XIXe siècle, la belle chambre se substitue à la bonne chambre : elle doit offrir une exposition satisfaisante, un séjour agréable, une situation proche du centre-ville et de la gare. Dans les années 1900, l'hôtellerie s'industrialise et on voit apparaître des guides touristiques (Joanne, Michelin). Cependant, seule la première classe bénéficie de l'éclairage électrique et du chauffage à vapeur. [...]
[...] Le lit d'enfant n'est apparu que très tard, le berceau lui, apparaît dans les peintures dès le Moyen-Âge, il était d'ailleurs souvent muni d'une pédale qui permettait à la mère de bercer l'enfant en travaillant. Les hygiénistes du XIXe siècle sont sceptiques quant au berceau pour des raisons de propreté, mais également de discipline : il ne faut pas habituer l'enfant au bercement, et préférer le lit à la douceur du berceau. Plus vieux, l'enfant rejoint ses frères et sœurs, mais les sexes sont toujours séparés, pratique dont l'apprentissage est confié au XVIIe siècle par l'Eglise aux maîtres d'école. [...]
[...] Kant ou Pascal préféraient le voyage de la lecture plutôt que le vrai voyage qui dépouille selon eux notre identité. La plus grande apologie de ce type de voyage est représentée dans Voyage autour de ma chambre de Xavier de Maistre, paru en 1794 : c'est également grâce aux évolutions de l'imprimerie, de la gravure, de la photographie et plus tard du cinéma et d'internet qu'il fut possible de visualiser de sa chambre le monde entier : le monde est mis à la portée de n'importe qui. [...]
[...] Les progrès de la médecine ont intégrés une nouvelle forme de mort : l'agonie, la longue maladie, la convalescence et le lit de douleurs Ce sont ces maladies qui ont d'ailleurs individualisé les chambres par la mise à l'écart des malades, surveillés le plus souvent par des gardes-malades qui font leur apparition au XVIIIe siècle : ils filtrent les visites et répondent aux besoins de la personne alitée. Les malades aisées, eux, bénéficient à partir du XXe siècle de sanatorium, ou de chambres d'altitude expérimentées en Allemagne et en Suisse. La maladie peut aussi être créatrice, propice à l'écriture : tel fut le cas pour Alice James (1848-1892) qui tenait un journal pour conjurer ses angoisses dues à ses affections nerveuses et ses hystéries. [...]
[...] Au terme de cet ouvrage, nous pouvons constater que ces chambres diverses et variées décrites par Michelle Perrot constituent un témoignage historique d'une grande valeur puisque leur évolution et la vie de leurs habitants, de la chambre royale à la chambre dans laquelle nous vivons tous aujourd'hui concordent et sont la représentation historique des évènements qui ont jalonnés nos sociétés. La chambre a été le creuset de civilisation, à la fois productrice de normes, lieu de création, de témoignages littéraires, et terrain d'expériences universelles et singulières. [...]
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