Le roman épistolaire de Laclos, écrit en 1782, s'inscrit à sa manière dans la tradition du roman sensible, qui oppose généralement un libertin et une jeune fille innocente. Le sentiment est alors placé au centre du roman puisqu'il en devient le principal moteur. En effet, c'est sur cela que les libertins (en l'occurrence le couple Merteuil / Valmont) vont fonder leur attaque. Il s'agit de séduire de jeunes femmes sensibles et naïves (Cécile et Mme de Tourvel) afin d'asseoir sa supériorité et sa réputation de libertin. Le roman des Liaisons Dangereuses rend compte de ces diverses manipulations des sentiments. On peut donc dire qu'il s'agit d'un véritable combat de l'esprit contre la sensibilité.
Grâce au système épistolaire du roman, Laclos parvient à donner un profil psychologique à chacun de ses personnages, car c'est à travers le style et le contenu de leurs lettres qu'on apprend à les connaître. Danceny écrit d'ailleurs à ce propos dans la Lettre 150 : "une lettre est le portrait de l'âme". La sensibilité est un des critères fondamentaux des différentes rhétoriques du roman. C'est par rapport à elle que se situent les personnages, et grâce à cela on peut voir qui sont les libertins et qui sont leurs victimes (...)
[...] Mais Les liaisons dangereuses, malgré l'importance de la sensibilité dans l'œuvre, n'a pas la dimension d'un roman sentimental, l'intrusion des libertins dans l'intrigue empêche toute niaiserie optimiste. Laclos dévoile des vérités compromettantes pour une certaine société, il révèle la puissance de la sensualité. Cécile et Danceny sont amoureux mais ils ne résistent pas à l'appel des sens, chacun trompe l'autre de son coté avec un libertin. Avec la narration de cette chute, Laclos détruit un des préjugés de son temps c'est-à-dire la croyance en la pureté de l'innocence des jeunes. [...]
[...] Dans la Lettre 97, Cécile se livre à la marquise. On remarque bien ces maladresses et sa sensibilité exacerbée et pas du tout contrôlée : "Ah mon Dieu, Madame, que je suis affligée ! que je suis malheureuse ! ; Comment vous racontez ? comment vous dire ? . ; mon cœur est plein ; Il y a des moments où je voudrais être morte" ; je n'ai le courage de songer à rien, et je ne fais que m'affliger". [...]
[...] .Au final la vertu sensible, n'apparaît pas comme étant synonyme de sécurité. Elle a ses failles insoupçonnées comme l'exprime Mme de Merteuil à la lettre 113 : Toute la vertu de votre vieille tante ne l'engagera pas à médire un seul instant de son cher neveu ; car la vertu a aussi ses faiblesses Ainsi, quelque part, même la sensibilité indulgente de Mme de Rosemonde est fautive, acceptant de garder le libertin sous son toit, elle sans le savoir, contribué à l'élaboration du drame La perversion de l'innocence (Danceny/Cécile) L'histoire d'amour entre les deux jeunes personnages n'était pas vouée à se solder par un échec. [...]
[...] Mme de Tourvel est le personnage de la subjectivité, en effet, elle ne rentre en contact avec autrui que par le sentiment et l'émotion. On voit par exemple qu'elle n'adhère pas de façon mimétique au portrait peu reluisant que Mme de Volanges fait de Valmont. Elle préfère se fier à sa propre intuition et n'hésite pas à l'écrire à cette dernière dans la Lettre 11 : "Ce portrait diffère beaucoup sans doute de celui que vous me faites". On observe ici qu'elle ne fait pas appel à sa raison, tout en elle vient du cœur. [...]
[...] Les relations humaines qu'entretient Valmont, que ce soit avec Mme de Tourvel, Mme de Merteuil, Danceny ou les autres hommes, ne semblent être concevables qu'en terme de domination, de compétition ou de victoire. Le Valmont du début ne paraît pas ressentir la moindre émotion, ni la moindre sensibilité, tout est calcul et maîtrise chez lui. Malgré tout, Valmont, à force de jouer à l'amoureux dans ses lettres va se prendre au jeu et va se laisser piéger par le sentiment. [...]
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