La Lettre du voyant à Paul Demeny, Arthur Rimbaud, 1871, aspiration poétique, fonction du poète, dédoublement de soi, dérèglement des sens, introspection, création poétique, mission divine
La lettre du voyant adressée à Paul Demeny constitue un véritable manifeste par lequel Rimbaud entend renoncer à la poésie traditionnelle et définir sa nouvelle aspiration poétique. Il expose, dans cette lettre, la fonction du poète, à savoir celle d'accéder à l'inaccessible, par un dédoublement de soi, un dérèglement des sens et un dépassement des limites humaines. Cette fonction s'accompagne d'une mission divine, où le poète se doit de révéler la "voyance" aux hommes par l'invention d'un langage nouveau, reflet de l'inconnu et messager de l'expérience hors du commun. Dès lors, cette lettre expose trois principes fondamentaux afin de comprendre la poésie rimbaldienne.
[...] Cette entreprise consciente, délibérée et « raisonnée » aboutit à une transfiguration du réel et permet à Rimbaud de « [voir] quelquefois ce que l'homme a cru voir[2] ». III. Le poète est « voleur de feu » Pour finir, la responsabilité du poète, à savoir celle de « voleur de feu », est assimilée à une mission divine par laquelle il est « chargé » d'apporter la lumière aux hommes, la connaissance aux lecteurs. L'assimilation du poète à un personnage divin, intermédiaire entre Dieu et les hommes, prend tout son sens à travers la référence explicite au mythe de Prométhée qui vole le feu aux dieux, donc la connaissance à l'inconnu afin de guider l'humanité et d'initier le progrès. [...]
[...] Ainsi, la parole poétique n'est pas celle du « moi » conscient, raisonnable suivant les règles instituées, mais bien celle du « moi » inconscient, capable de créer une poésie nouvelle, inédite et bouleversant les conventions. Vouloir réduire le sujet au « moi », c'est donc se condamner à une « poésie subjective[1] » où le poète cherche à rendre compte subjectivement des transformations qui s'opèrent en lui. C'est lorsque la parole échappe à la conscience, à la censure et à la norme instaurée par le « moi » raisonnable, quelle sera innovante, poétique et donc artistique. [...]
[...] « Le poète [doit se faire] voyant » Dans la continuité de cette création poétique, « le poète [doit se faire] voyant », mission au cours de laquelle, il doit dépasser les apparences, le monde des réalités quotidiennes, afin de voir l'invisible, d'entendre l'inouï, de percevoir l'imperceptible et d'accéder à l'inaccessible. En vue d'arracher à l'inconnu ses secrets, le poète doit expérimenter un « dérèglement de tous ses sens ». Dans une perspective qui permettrait d'aboutir au délire interprétatif et à une forme provisoire de folie. Pour accéder à la voyance, il doit également s'écarter des normes morales, de l'équilibre, de la raison et réaliser de nombreuses expériences afin de prendre possession sensorielle et mentale du monde. [...]
[...] L'analogie entre le poète et la mythologie permet de mettre en exergue les pouvoirs et les caractéristiques surhumaines du voyant : si Orphée possède une harpe mélodieuse et Prométhée le don des techniques, le poète, lui, possède également un pouvoir étonnant : le langage. Cette analogie révèle également les souffrances du poète, dont la voyance peut être fatale, expérience dont il accepte, comme Prométhée, le caractère vertigineux et les conséquences destructrices afin de se faire « suprême Savant ». Pour finir, le rôle prométhéen du poète est mis en évidence à travers les références explicites au progrès, « marche au progrès », « multiplicateur de progrès », références qui soulignent la mission irremplaçable du poète dans la marche de l'humanité vers le perfectionnement et le progrès social. [...]
[...] La Lettre du voyant à Paul Demeny - Arthur Rimbaud (1871) La lettre du voyant adressée à Paul Demeny constitue un véritable manifeste par lequel Rimbaud entend renoncer à la poésie traditionnelle et définir sa nouvelle aspiration poétique. Il expose, dans cette lettre, la fonction du poète, à savoir celle d'accéder à l'inaccessible, par un dédoublement de soi, un dérèglement des sens et un dépassement des limites humaines. Cette fonction s'accompagne d'une mission divine, où le poète se doit de révéler la « voyance » aux hommes par l'invention d'un langage nouveau, reflet de l'inconnu et messager de l'expérience hors du commun. [...]
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