Professeur d'histoire à Paris 8 passionné par l'Algérie et plus particulièrement l'Algérie coloniale, D. Lefeuvre nous offre un ouvrage critique qui ne va pas dans le sens du mouvement sociétal commun dirons-nous, à savoir se racheter du passé colonial français.
Lefeuvre n'entend pas pourtant ici réhabiliter la colonisation et son cortège d'événements sanglants. Il s'insurge plutôt contre l'amalgame, l'anachronisme et le parti pris idéologique de ceux qu'il appelle les « Repentants » qui cherchent plus à juger l'histoire (pour obtenir réparation comme l'ont montré les suites données à la projection du film Indigènes de Rachid Bouchareb (...)
[...] D'ailleurs, pourquoi occulter la barbarie des Algériens qui se vantent de ne faire aucun prisonnier ? Il ne faut pas perdre de vue que l'objectif français n'a jamais été l'anéantissement, mais simplement la domination du territoire. Son analyse reprend du poids lorsqu'il signale au lecteur que les pertes algériennes atteignent leur plus au niveau après 1861, c'est-à-dire après la pacification du territoire : les causes sont à chercher autre part que dans de prétendus massacres, comme par exemple la faiblesse des récoltes dues à la sécheresse et aux sauterelles, catastrophe vécue également par la Tunisie et le Maroc avec les même conséquences, au passage sans que ceux-ci ne soit sous protectorat français ! [...]
[...] La seule production abondante est celle du vin, mais le marché français, qui accueille déjà la quasi-totalité de la production algérienne par devoir national en est saturé. La production algérienne devient trop coûteuse alors qu'elle ne présente aucun caractère de rareté. De toute façon, en regard de ce que l'exploitation coloniale «rapporte», on doit aussi considérer ce qu'elle coûte. Les vociférations confuses sur le rôle «positif» ou non de la colonisation cèdent alors la place à quelques solides données qui surprennent. [...]
[...] Voir l'origine de tous les maux français et algériens dans le passé colonial serait une erreur et relèverait donc de l'absurdité pour Daniel Lefeuvre, qui tente de rétablir la vérité historique chiffres à l'appui et de nuancer des propos trop souvent pris comme des vérités générales. On peut malgré tout le trouver un peu radical dans son démenti systématique des propos de repentances. C'est pourquoi il ne faut pas oublier que son but n'est absolument pas de faire l'apologie de la colonisation. Le passé n'est pas là pour être jugé mais pour être expliqué. [...]
[...] L'objectif poursuivi ici était bien l'intégration à la population métropolitaine. Pour les Repentants la discrimination des populations musulmanes serait un héritage direct de l'époque coloniale, les autres étrangers (italiens, polonais ) n'ayant pas connu de sentiment de rejet, ce qui est une grossière erreur comme le montre l'ouvrage de Pierre Milza, Voyage en Ritalie (Petite Bibliothèque Payot, 2004). Daniel Lefeuvre affirme que les clichés stigmatisant ces populations ressemblent beaucoup à ceux dont souffrent les populations issues de l'immigration aujourd'hui, dues à un racisme ancré dans la société française. [...]
[...] S'en servir et le falsifier comme le font les Repentants relève de la manipulation et n'est absolument pas bénéfique. Cela entretient des rancoeurs, enfonce les français dans un passé qu'ils n'arrivent pas à regarder objectivement et renforce l'apartheid construit selon l'origine. Néanmoins, ne peut-on pas relier cette tendance à une autre ombre peutêtre plus sombre au tableau français, celle du néo-colonialisme, accusé d'abus économiques, de massacre de populations et d'intérêts cachés ? [...]
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